Les hommes aussi souffrent de troubles alimentaires!

Encore aujourd’hui, les troubles alimentaires sont principalement associés au monde féminin. Pourtant, les hommes, même ceux qui semblent à première vue en parfaite santé, peuvent aussi souffrir d’un trouble alimentaire. Bien qu’il soit vrai de dire que les femmes sont plus à risque de souffrir de troubles alimentaires, on estime que les hommes représentent de 10 à 25 % des cas d’anorexie et de boulimie ainsi que 40% des cas d’hyperphagie.

La boulimie se caractérise par des orgies alimentaires suivies de méthodes compensatoires inappropriées (tels des vomissements ou l’abus de certaines substances comme des laxatifs) pour contrôler le poids.

L’hyperphagie boulimique se caractérise par des crises de boulimie récurrentes sans comportement compensatoire et est souvent associée à la pratique de régimes restrictifs ou d’activité physique intense dans le cas des hommes.

Selon un sondage réalisé en 2012 au Québec, environ un homme sur cinq (18 %) était insatisfait de son poids et près de la moitié d’entre eux (44 %) souhaitaient le modifier. L’insatisfaction corporelle et les troubles alimentaires sont donc bel et bien des problématiques qui affectent autant les hommes que les femmes. Malheureusement, la croyance demeure que ces troubles soient typiquement féminins, ce qui incite les hommes à garder leurs préoccupations pour eux, de peur d’être jugés.

De façon générale, les hommes :

  • Sont moins portés à consulter un professionnel de la santé en cas de problème, notamment lorsqu’il s’agit d’un trouble alimentaire; ce délai de prise en charge fait en sorte que les hommes ont des symptômes plus développés au moment de la consultation, et donc plus difficiles à traiter;
  • Présentent plus de troubles associés que les femmes, comme l’anxiété, la dépression et le trouble obsessif compulsif;
  • Présentent fréquemment des troubles d’abus de substances et sont quatre fois plus nombreux à se suicider que les femmes.

La pression des médias, aussi présente chez les hommes

Pendant que l’auditoire féminin se fait marteler de messages de minceur, l’idéal corporel au masculin dans les médias est plutôt dépeint comme étant oui mince, mais également musclé et de type mésomorphe (haut du corps musclé et le bas du corps mince). Comme c’est le cas pour les femmes, le corps masculin idéal présenté dans les médias est significativement non concordant avec la taille masculine moyenne. Inévitablement, cette exposition à des idéaux irréalistes a provoqué une augmentation du nombre d’hommes vivant avec une insatisfaction de leurs muscles et, du même coup, une incidence accrue des perturbations de l’image corporelle cliniquement significatives, telles que la dysmorphie musculaire.

Quand l’entraînement devient maladif

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Photo : AdobeStock

Depuis quelques années, les médias et les professionnels de la santé s’intéressent à un nouveau phénomène majoritairement masculin connu sous les termes de bigorexie ou de dysmorphie musculaire. Les hommes souffrant de ce trouble ne se trouvent jamais suffisamment musclés ou imposants, accordent beaucoup de temps à l’entraînement, suivent des diètes très restrictives et font parfois l’usage de substances comme les stéroïdes anabolisants. Alors qu’on reconnaît que ce trouble est présent chez les hommes, il n’est pas possible de quantifier sa prévalence et il n’existe pas de consensus pour le diagnostiquer.

Une revue de littérature publiée en 2013, rapporte que les gens actifs physiquement et souffrant de dysmorphie musculaire suivent des diètes dans le but d’augmenter leur masse musculaire et de diminuer leur masse grasse. Toutefois, ces régimes établis de façon aléatoire, c’est-à-dire sans l’aide de professionnels de la santé ou sans connaissances nutritionnelles, ne sont pas toujours suivis adéquatement. Les principales sources d’information chez ces personnes sont les amis, les gens qui s’entraînent avec eux au gymnase et les entraîneurs. Plusieurs d’entre eux consomment des suppléments alimentaires et des substances ergogènes dans le but d’obtenir des résultats plus rapidement. Chez des étudiants universitaires, une étude montre que la consommation de suppléments alimentaires prise dans le but d’augmenter la masse musculaire mène souvent à la prise de substances illégales comme des stéroïdes anabolisants.

Les hommes qui souffrent de dysmorphie musculaire peuvent être difficiles à identifier puisqu’ils paraissent souvent en parfaite santé. Ils s’entraînent et surveillent leur alimentation, deux aspects qui sont couramment encouragés dans notre société. Toutefois, la situation devient problématique lorsque l’entraînement et le gain de masse musculaire deviennent une obsession et que la préoccupation pour l’alimentation devient excessive. Certains ont même recours à des stéroïdes anabolisants ou d’autres substances potentiellement dangereuses. Les diverses sphères de la vie, telles la famille, le réseau social et le travail sont alors affectées.

Parmi les conséquences observées, on note, entre autres, le surentraînement et le risque de blessures. Cette condition a d’ailleurs été associée à une plus faible qualité de vie et à des tentatives de suicide. Les personnes qui sont particulièrement à risque de développer de la dysmorphie musculaire sont ceux qui pratiquent des activités comme le fitness et le bodybuilding, les sportifs et ceux qui s’entraînement très fréquemment.

Ressources

 

Texte de Nathalie Jobin

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