Le cannabis contre la douleur? Ni une abomination ni une panacée

Au Canada, environ 40 000 patients se prévalent de l’un des deux programmes qui permettent aux médecins de prescrire du cannabis pour traiter différents symptômes associés à la sclérose en plaques, à des lésions de la moelle épinière, à un cancer, à une infection au VIH-sida ou encore dans le contexte de soins palliatifs en fin de vie.

Mais que sait-on de l’efficacité de Cannabis sativa – de son nom latin –, qui est utilisé depuis des milliers d’années comme plante médicinale?

«Des études effectuées sur les animaux montrent que son efficacité est grande pour soulager la douleur aiguë, la douleur postopératoire et la douleur chronique; toutefois, chez les êtres humains, l’efficacité varie d’un patient à l’autre et d’une affection à l’autre.»

C’est ce qu’a souligné Aline Boulanger, professeure agrégée de clinique au Département d’anesthésiologie de l’Université de Montréal, dans un colloque sur les enjeux de l’usage médical du cannabis organisé récemment à Montréal par le Groupe de recherche universitaire sur le médicament.

Directrice des cliniques antidouleur de l’Hôtel-Dieu du CHUM et de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, Mme Boulanger a indiqué que Santé Canada permet aux médecins, à certaines conditions, de prescrire des produits contenant du tétrahydrocannabinol (THC synthétique ou naturel) combiné ou non avec du cannabidiol, deux des éléments actifs du cannabis.

Il s’agit du cannabis séché (qu’on inhale sous forme de fumée ou de vapeur), de la nabilone (un cannabinoïde synthétique en capsule) et du nabiximols (THC et cannabidiol extraits de plants de marijuana administrés par vaporisation).

Efficacité modérée
D’après les études citées par Mme Boulanger, ces trois produits se sont avérés modérément efficaces pour calmer les douleurs aiguës postopératoires. «Mais, en raison de la variété des produits employés, de la posologie et des voies d’administration, aucune conclusion définitive ne peut être dégagée», a-t-elle soutenu.

En ce qui a trait à la douleur chronique, le cannabis s’est montré un peu plus efficace pour apaiser la douleur neuropathique et celle causée par l’arthrite rhumatoïde et la fibromyalgie. Même chose pour contrer les effets indésirables de la chimiothérapie ou de la trithérapie, ou pour atténuer la douleur et les spasmes musculaires chez les personnes atteintes de sclérose en plaques.

Toutefois, la prise de cannabis n’est pas le premier traitement – ou traitement de première ligne – que les médecins prescrivent dans les conditions permises par la loi.

«La marijuana peut être utilisée comme traitement de deuxième ligne pour les douleurs neuropathiques centrales dans le cas de patients qui souffrent de sclérose en plaques, et en troisième ou quatrième recours pour les autres types de douleurs, mais on privilégie d’abord l’administration par comprimé ou par vaporisation à cause des contaminants qui émanent de la combustion du cannabis séché qu’on fume», explique l’anesthésiste.

«Néanmoins, il faut considérer le fait que, cliniquement, certains patients sont soulagés par cette famille de remèdes et il faut en tenir compte dans l’évaluation de chaque patient et selon les antécédents de chacun quant à l’utilisation du cannabis», poursuit-elle.

Désaccord chez les médecins
Selon les données d’un sondage réalisé récemment auprès de 200 médecins canadiens et rapportées par Aline Boulanger, 12 % disent prescrire de la marijuana à certains de leurs patients. Plus de la moitié (52 %) n’en prescrivent pas mais seraient prêts à le faire, tandis que plus du tiers (36 %) affirment qu’ils n’en prescriront jamais.

Le sujet ne fait pas l’unanimité chez les médecins traitants, entre autres parce que 70 % disent manquer d’information clinique quant à l’efficacité du cannabis, tandis que 60 % craignent que leurs patients abusent ou deviennent dépendants du produit.

L’Association médicale canadienne et le Collège des médecins du Québec refusent de reconnaître le recours au cannabis séché à des fins médicales en raison des questions entourant son innocuité, son efficacité, la posologie requise et son mode d’administration.

Toutefois, à la suite des modifications législatives qui encadrent l’accès à la marijuana médicale au Canada, le Collège des médecins en autorise la prescription dans le cadre d’un projet de recherche.

Martin LaSalle


Gestion de la douleur : un besoin criant… de formation

Selon Aline Boulanger, les étudiants des différentes facultés de médecine au Québec ne bénéficient pas d’une formation suffisante en matière de gestion de la douleur.

«Ils ne reçoivent en moyenne que 15 heures de formation relativement à ce volet – et encore, on y parle surtout de pilules – comparativement à 30 heures chez les futures infirmières et à 90 heures… chez les futurs vétérinaires», déplore-t-elle.

«On leur apprend à traiter des maladies rarissimes, ce qui est très bien, mais 20 % de leurs patients les consulteront parce qu’ils ont mal», fait-elle remarquer.

 

Source: www.nouvelles.umontreal.ca

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