Janusz Kaczorowski

Vaut mieux prévenir que guérir

Le fait que le système de santé du Canada connaisse parfois des ratés est un secret pour personne. « Beaucoup de données objectives montrent que le système de santé canadien est le deuxième plus coûteux au monde après celui des États-Unis et qu’il lui dispute la dernière place en matière d’efficacité », affirme Janusz Kaczorowski, responsable de l’axe Évaluation, systèmes de soins et services du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM). Selon le chercheur, qui est aussi professeur titulaire ainsi que directeur de la recherche au Département de médecine de famille et médecine d’urgence de l’Université de Montréal, la solution à ce problème passe par une meilleure organisation des soins, mais aussi par une prévention et une gestion améliorées des maladies chroniques.

C’est à cette fin que M. Kaczorowski a créé il y a une dizaine d’années le Programme pour la sensibilisation aux maladies chroniques et leur prise en charge (CHAP). « J’ai lancé ce projet lorsque j’étais à l’emploi de l’Université McMaster en Ontario, raconte celui qui a commencé à s’intéresser au domaine de la santé alors qu’il effectuait son doctorat en sociologie à McGill. L’idée, c’était de mettre sur pied un programme de sensibilisation aux maladies chroniques à l’intention de la population qui soit efficace, peu dispendieux et qui puisse être évalué de manière rigoureuse. » Pour ce faire, le sociologue et son équipe ont invité les personnes âgées de 65 ans et plus résidant dans 20 villes ontariennes comptant de 10 000 à 60 000 habitants à se rendre à la pharmacie de leur quartier afin de faire prendre leur tension artérielle avec l’assistance de bénévoles et en collaboration avec des médecins de famille et des pharmaciens.

L’idée, c’était de mettre sur pied un programme de sensibilisation aux maladies chroniques à l’intention de la population qui soit efficace, peu dispendieux et qui puisse être évalué de manière rigoureuse.

« Pendant 10 semaines, nous avons mesuré la tension de quelque 16 000 participants. Ceux dont la tension était trop élevée recevaient ensuite de l’information sur les ressources communautaires qui pouvaient les aider à modifier certaines de leurs habitudes de vie afin de réduire leur risque de développer une maladie chronique, notamment sur le plan cardiovasculaire, indique le titulaire de la Chaire Docteur Sadok Besrour en médecine familiale et de la Chaire GlaxoSmithKline (GSK) de recherche en gestion optimale des maladies chroniques de l’Université de Montréal. Douze mois après l’étude, nous avons évalué son efficacité et découvert qu’elle avait entraîné une diminution de 9 % du nombre annuel d’hospitalisations pour des maladies cardio-vasculaires. »

Fort de ce succès, Janusz Kaczorowski travaille maintenant à adapter le CHAP à la réalité des grands centres urbains du Québec et des autres provinces canadiennes (C-CHAMP). « L’objectif, c’est de l’implanter partout à travers le pays », résume-t-il au sujet du programme, dont une version antérieure portant plus particulièrement sur la santé cardiovasculaire a reçu un prix IRSC-JAMC (les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC) pour souligner les plus grandes réalisations en recherche en santé au Canada en 2012 et a été classé parmi les cinq meilleures avancées en épidémiologie et en prévention de 2011 par le Conseil en épidémiologie et en prévention de l’Association américaine des maladies du cœur.

M. Kaczorowski a déjà mis en place un programme semblable au C-CHAMP pour la communauté sud-asiatique au nord de Toronto. « Si l’on veut que cette initiative soit pancanadienne, il faut tenir compte des différents groupes ethniques, explique le chercheur né en Pologne qui est arrivé à Montréal à l’âge de 20 ans. Certains sont plus susceptibles de souffrir, par exemple, de troubles cardiovasculaires en raison de leurs habitudes de vie, de leur génétique ou même de leur propension à adopter les pires comportements des Canadiens en matière d’alimentation. »

Le sociologue, qui a aussi passé cinq ans à l’Université de Colombie-Britannique, participe également à plusieurs projets internationaux, notamment aux Philippines, qui ont la particularité de combiner les problèmes de santé inhérents aux pays sous-développés avec ceux des nations riches, où les chaînes de restauration rapide et l’inactivité physique font des ravages. « Les maladies chroniques sont une problématique globale qui exige des changements sociaux et politiques, soutient-il. Certaines autorités ont déjà commencé à proposer des modifications. Je pense notamment à l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, qui a tenté de limiter les formats de boissons gazeuses dans la ville, ou à l’Angleterre, qui essaie de réduire le taux de sel dans les aliments transformés. »

Pour Janusz Kaczorowski, les gouvernements pourraient se montrer beaucoup plus créatifs dans leurs efforts pour améliorer la santé de la population et réduire ainsi la pression sur le système de santé. « À Montréal, on pourrait par exemple permettre aux gens de courir gratuitement dans la ville souterraine à certaines heures de la journée durant l’hiver, avance l’adepte de ski, de jogging et de voyage. Il y a plein de choses que l’on peut faire. Il suffit de faire preuve d’imagination. »

 

Janvier 2015
Rédaction : Annik Chainey

Affiliation principale

Lieu de travail

Centre de recherche du CHUM

Disciplines de recherche

– Prévention et gestion des maladies chroniques
– Application et échange de connaissances
– Services de santé
– Sociologie de la santé

Chercheuses et chercheurs reliés