Dany Gagnon

Chercheur inspiré, professeur inspirant

C’est d’abord la possibilité de travailler auprès d’athlètes de haute performance qui a poussé Dany Gagnon, un mordu de sports, à étudier en physiothérapie. Au baccalauréat, il opte pour l’Université McGill afin de peaufiner son anglais dans le but de réaliser cette ambition. Une fois son diplôme en poche, il saute à pieds joints dans l’exercice du métier, sans soupçonner le brillant avenir qui l’attend dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Après deux ans dans le milieu hospitalier montréalais, il profite de la reconnaissance de sa formation au sud de la frontière pour aller pratiquer aux États-Unis, voyageant entre la Floride, le Massachusetts et le Vermont. « Selon les saisons, je pouvais faire du ski, de la course, du vélo, de la planche à voile… Je choisissais l’endroit où j’exerçais ma profession un peu en fonction de mes activités récréatives », raconte le Saguenéen d’origine, qui jouit aujourd’hui d’une renommée internationale pour son travail au Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation (CRIR) du Montréal métropolitain.

Sa profession est toutefois en transformation et M. Gagnon constate que la maîtrise deviendra bientôt la norme pour la relève en physiothérapie. Il rentre donc à Montréal pour se mettre à niveau. « Je voulais aller au-devant des faits », indique le professeur de l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Déjà fort d’une expérience auprès de personnes atteintes de lésions de la moelle épinière, il décide de se pencher sur les exigences musculaires des transferts pour les utilisateurs de fauteuil roulant, soit l’effort qu’ils doivent fournir avec leurs bras et leur tronc pour s’extirper de leur fauteuil afin, par exemple, d’embarquer dans leur voiture. « Ça n’avait jamais été fait, souligne le chercheur. Ça a tellement bien été que mes directeurs m’ont proposé de faire un doctorat. » Sur le coup, il ne voit toutefois pas l’utilité de pousser ses études plus loin. « Je ne venais pas d’un milieu académique. Déjà, faire un bac, c’était une grande réussite. »

Trois ans passent, un temps d’arrêt dont Dany Gagnon profite pour fonder une famille tout en travaillant à l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal. Mais cette pause n’en est pas vraiment une, car il a pris goût à l’enseignement durant sa maîtrise et s’est rapidement mis à préparer le terrain pour un doctorat. « Je savais clairement ce que je voulais : devenir professeur, idéalement à l’Université de Montréal », se souvient-il. Le physiothérapeute continue sur la lancée de son projet de maîtrise, développant une approche de laboratoire hautement sophistiquée pour mesurer, à la hauteur de plus d’un millier de données par seconde, ce qui serait autrement imperceptible dans les tâches de transfert afin de mieux informer les équipes chargées d’effectuer les interventions thérapeutiques. « On n’est pas capable de voir à l’œil nu si le bras gauche force plus que le bras droit. Ça se passe tellement vite, illustre-t-il. Avec l’électromyographie, j’étais en mesure d’enregistrer l’activité des muscles. J’étais aussi capable de mesurer le mouvement en 3D, un peu comme dans les jeux vidéo. »

Je ne redonne qu’une partie de ce que j’ai reçu, parce que j’ai reçu vraiment beaucoup. Les gens qui ont cru en moi ont fait une différence importante dans ma vie.

L’Université de Montréal lui soumet alors une proposition d’embauche conditionnelle à la réalisation d’une formation postdoctorale à l’extérieur de la province. Et il en fait deux plutôt qu’une. Pour la première, à l’Université de Pittsburgh, il continue de s’intéresser aux utilisateurs de fauteuils roulants, tournant cette fois son attention vers leur propulsion manuelle. « J’ai gardé l’attache à une même population, mais je suis allé voir une autre tâche qui est exigeante. » M. Gagnon s’est alors initié à l’imagerie musculosquelettique par ultrasonographie, une technique émergente qu’il a pu importer à l’Université de Montréal. Son second postdoctorat, à l’Université de Toronto, lui permet d’approfondir son expertise en matière d’équilibre, tout en tissant des liens durables avec des confrères canadiens.

Après avoir multiplié les projets novateurs lors de son parcours aux cycles supérieurs, Dany Gagnon s’impose de nouveau en tant que pionnier à travers ses recherches sur les exosquelettes robotisés. Il veut maintenant faire de Montréal un pôle d’excellence sur le plan des technologies désignées en anglais sous le nom de wearable robotics. Les exosquelettes de marche s’inscrivent parfaitement dans son créneau : ils permettent notamment à des personnes qui ne pourront jamais marcher de s’entraîner en faisant quelques pas assistés. « Ça s’arrime très logiquement avec tout ce que j’ai fait à date, reconnaît-il, tout en se réjouissant de la nouveauté de ces équipements. Pour moi, l’avancement scientifique doit passer en partie par l’originalité. » En phase avec les préoccupations des patients, M. Gagnon a également collaboré avec des experts allemands afin de développer un exosquelette robotisé pour la main sur lequel il réalisera les premiers essais cliniques au Canada. « Les deux activités fonctionnelles qui préoccupent le plus les personnes qui entrent en réadaptation, c’est la marche et la fonction de la main », précise-t-il.

Le physiothérapeute et chercheur s’est donné pour mission de démocratiser l’accès aux technologies de pointe en réadaptation. C’est pourquoi cet amateur de ski et de triathlons tient maintenant à « sortir du laboratoire et à se rapprocher de la clinique » dans le cadre de son travail sur les exosquelettes. « C’est sûr que la finalité de nos travaux, c’est que la participation sociale des gens qu’on sert en réadaptation soit optimale, qu’ils aient une satisfaction de vie élevée, explique-t-il. Ce qui me motive, c’est de voir que ce que l’on fait a un impact assez direct sur la pratique et la vie des patients. »

Lorsqu’on lui demande s’il préfère la recherche à l’enseignement, Dany Gagnon refuse de trancher. « Je suis un modèle hybride », lance celui qui se décrit comme une « terre d’accueil » pour les étudiants débordant d’idées farfelues. Son enseignement, étoffé par une solide expérience clinique et par une facilité à contextualiser la matière de manière concrète, lui a d’ailleurs valu le Prix d’excellence pour l’encadrement aux cycles supérieurs décerné par l’Université de Montréal. « Je ne redonne qu’une partie de ce que j’ai reçu, parce que j’ai reçu vraiment beaucoup. Les gens qui ont cru en moi ont fait une différence importante dans ma vie. »

 

Février 2019

Rédaction : Annik Chainey et Roxanne Ocampo Picard.
Photo : Bonesso-Dumas

Affiliation principale

Lieu de travail

Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain – CIUSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Disciplines de recherche

– Études des exigences musculaires, posturales, cardiorespiratoires et cognitives associées à la réalisation d’activités fonctionnelles et récréatives auprès de clientèles atteintes de déficiences et d’incapacités
– Interventions thérapeutiques ayant pour but d’optimiser la performance lors de la réalisation d’activités fonctionnelles ou récréatives
– Évaluation et implantation de nouvelles technologies en réadaptation

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