Alexandre Prat

Le mentor

Le parcours académique et professionnel du Dr Alexandre Prat a été ponctué de figures marquantes et inspirantes, dont la première est sans doute un enseignant de biologie au Collège Stanislas de Montréal, où le neurologue, chercheur au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la sclérose en plaques a fait ses études préuniversitaires. « Il nous avait très bien enseigné le système nerveux et j’ai le souvenir, à l’âge de 15 ou 16 ans, d’avoir acheté des livres de sciences neurologiques, dont un de Jean-Pierre Changeux, raconte-t-il. Il y avait dans L’Homme neuronal des concepts révolutionnaires qui relevaient presque de la science-fiction et ça m’avait beaucoup intéressé. »

Cet intérêt naissant allait se confirmer quelques années plus tard dans le cadre de stages estivaux puis d’une maîtrise en physiologie, effectuée en même temps que ses études en médecine, au sein du laboratoire de Réjean Couture. Les travaux de ce dernier sur le contrôle de la douleur et de l’inflammation par le système nerveux périphérique mettent le futur médecin sur la piste de la neuroinflammation. Puis, sous l’impulsion du Dr Pierre Duquette, il s’engage bientôt sur la voie de la sclérose en plaques, une maladie auto-immune pour le moment incurable qui s’en prend au système nerveux et cause de l’inflammation dans le cerveau pouvant provoquer des dommages permanents. « Quand j’ai commencé ma spécialisation en neurologie, il est devenu évident, surtout aux yeux du Dr Duquette, qui était mon mentor, que je devais poursuivre en neuroinflammation et, plus particulièrement du côté de la sclérose en plaques, explique Alexandre Prat. Le Dr Duquette, qui est lui-même un neurologue spécialisé dans cette maladie, m’a donc envoyé faire un doctorat à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal auprès de Jack Antel, un grand spécialiste de la sclérose en plaques qui a formé presque tous les scientifiques au Canada dans le domaine et au moins de 30 à 40 % de ceux qui travaillent dans ce champ ailleurs dans le monde.»

J’aime former des étudiants parce que cela permet à la discipline non seulement de survivre, mais également de s’élargir, de grandir et de s’amplifier …

De fil en aiguille, le Dr Prat a commencé à étudier la barrière hémato-encéphalique (BHE), ce réseau de microvaisseaux constituant le point terminal de l’arbre vasculaire cérébral et agissant comme un poste frontalier qui sélectionne soigneusement ce qui peut entrer ou non dans le cerveau. « La BHE est très peu perméable aux cellules immunitaires, mais il existe des mécanismes de régulation qui permettent à certaines d’entre elles de passer, résume le professeur titulaire au département de neurosciences de l’Université de Montréal. Dans le cas de la sclérose en plaques, il y a une dérégulation de la BHE qui fait en sorte que des cellules immunitaires peuvent migrer à l’intérieur du cerveau et causer des dégâts. Ce qui m’intéresse comme chercheur, c’est de déterminer comment ces cellules parviennent à franchir la BHE. »

Alexandre Prat et l’équipe de son laboratoire de neuroimmunologie tentent plus précisément d’identifier des chemins moléculaires impliqués dans la migration des cellules immunitaires vers le cerveau qui pourraient être bloqués afin de freiner la progression de la maladie. Ils ont fait un premier pas en ce sens avec l’identification en 2008 d’une molécule d’adhésion cellulaire appelée MCAM (Melanoma Cell Adhesion Molecule) qui contribue au dérèglement du système immunitaire dans la sclérose en plaques. Cette découverte a mené au développement par une firme californienne d’un médicament qui fait actuellement l’objet d’essais cliniques de phase deux. Une lueur d’espoir pour les personnes atteintes puisque, selon le Dr Prat, les traitements existants ne sont pas assez raffinés pour parvenir à contrôler la maladie de manière sécuritaire.

Si le désir d’améliorer la qualité de vie des patients est une grande source de motivation pour le chercheur et médecin, le souci d’assurer la relève l’est tout autant. « J’aime former des étudiants parce que cela permet à la discipline non seulement de survivre, mais également de s’élargir, de grandir et de s’amplifier, confie-t-il. En fait, c’est comme bâtir une énorme famille puisque les étudiants que l’on forme vont à leur tour former d’autres étudiants et ainsi de suite. » Le Dr Prat joue aussi ce rôle de mentor à titre de directeur adjoint du développement du CRCHUM, où il essaie de tout mettre en œuvre pour former de jeunes médecins en recherche et favoriser leur carrière de chercheur, répétant ainsi ce que d’autres ont fait pour lui à ses débuts. « Le plus grand écueil pour les jeunes cliniciens chercheurs, c’est d’être engloutis par la clinique et de ne pas être assez performants en recherche pour survivre. Or, la recherche, c’est un environnement où la performance garantit la survie », affirme celui qui a contribué à faire passer le nombre de laboratoires de recherche en neurosciences de 2 à 17 depuis son arrivée au CHUM en 2003. « J’éprouve donc une certaine fierté d’avoir été capable de créer, en collaboration avec la faculté et les différents directeurs du CRCHUM, un milieu scientifique diversifié qui permet aux jeunes chercheurs de mieux performer, et donc, d’avoir du succès. » Cette mission à l’égard des prochaines générations de médecins et chercheurs, Alexandre Prat la poursuivra également dans le cadre de la future chaire philanthropique de la Faculté de médecine consacrée à la sclérose en plaques, qui aura notamment pour objectif d’assurer le développement d’excellents projets de recherche qui permettront le recrutement et la formation des meilleurs étudiants tout en produisant des résultats concrets pour les patients.

Quand il n’est pas dans son laboratoire, à l’hôpital ou en classe, le Dr Prat aime bien passer du temps avec ses quatre garçons et s’adonner à son loisir préféré : la plongée. « J’ai obtenu mon premier brevet de plongeur dans les années 1990 et je n’ai jamais arrêté de plonger. Avec l’âge qui avance, j’aime de plus en plus ça, j’en fais de plus en plus, révèle-t-il, avouant du même souffle avoir un faible pour les requins. Qui sait, si je pouvais retourner en arrière, je deviendrais peut-être biologiste marin… »

 

Avril 2018
Rédaction : Annik Chainey
Photo : Bonesso-Dumas

Affiliation principale

Lieu de travail

Centre de recherche du CHUM (CRCHUM)

Disciplines de recherche

– Neuroimmunologie
– Sclérose en plaques
– Immunologie humaine et animale
– Barrière hémato-encéphalique

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