Une protéine du virus de la fièvre de la vallée du Rift imite un facteur de réparation de l’ADN humain. L’endiguement de la réaction chimique pourrait enrayer l’infectiosité de la maladie.
Un mécanisme potentiel de lutte contre les fièvres hémorragiques virales vient d’être découvert par des chercheurs du Département de biochimie et de médecine moléculaire de l’Université de Montréal. Les fièvres hémorragiques posent un grave danger pour la santé humaine. Elles se propagent rapidement et ont un taux de mortalité élevé, comme nous l’a rappelé la récente éclosion d’Ebola. Dans bien des cas, les traitements les plus efficaces, comme la vaccination et la médication, ne sont pas disponibles pour lutter contre la maladie, puisque la plupart de ces éclosions surviennent dans des pays en développement aux ressources financières limitées. De plus, plusieurs virus à fièvres hémorragiques ont un taux élevé de mutation du génome, de sorte qu’ils arrivent à développer rapidement une résistance aux médicaments et au système immunitaire. « À court terme, nos travaux ne mèneront pas directement à un traitement, mais nous avons découvert un mécanisme qui pourrait rendre le virus vulnérable à un traitement médicamenteux ou nous permettre de développer une souche virale atténuée pour la création d’un vaccin, affirme Normand Cyr, chercheur postdoctoral et premier auteur. L’identification du talon d’Achille de virus à fièvres hémorragiques, comme le virus de la vallée du Rift, inspirera d’autres recherches qui nous mèneront éventuellement à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour lutter contre ces maladies tropicales mortelles. »
Cette recherche a été dirigée par le professeur James Omichinski et publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA (PNAS). Le Pr Omichinski, co-auteur principal, explique : « Notre groupe a étudié, par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN), les propriétés structurales d’une protéine virale qui joue un rôle important dans la virulence du virus de la fièvre de la vallée du Rift, un virus qui infecte les humains et les bovins, comme le virus Ebola. Certaines protéines virales, telle la protéine non structurale NSs que nous avons étudiée, se lient à la machinerie de transcription des cellules humaines par la sous-unité p62 du complexe protéique TFIIH, et forment ainsi les filaments nucléaires essentiels à la propagation du virus. Nos études structurales révèlent que la protéine virale NSs utilise un motif simple, nommé ΩXaV, qui est semblable à celui que l’on retrouve dans les protéines réparatrices de l’ADN chez l’humain. Le blocage de cette liaison au moyen de médicaments amenuiserait sans aucun doute la virulence du virus. »
« Les virus et les autres agents infectieux mutent et s’adaptent constamment aux traitements. Il est donc essentiel de faire ce type de recherche fondamentale, pour que l’humain garde une longueur d’avance sur le virus et ses éclosions potentielles. C’est l’une des principales missions de notre département », souligne le professeur Christian Baron, directeur du Département de biochimie et de médecine moléculaire. « Grâce à des investissements importants de la Fondation canadienne pour l’innovation, l’Université de Montréal dispose d’installations de biologie structurale de pointe, qui nous ont permises d’élucider le fonctionnement du virus de la fièvre de la vallée du Rift à l’échelle moléculaire », ajoute le Pr Omichinski. L’équipe de l’Université de Montréal a collaboré avec l’équipe de Kylene Kehn-Hall, co-auteure principale de l’étude, du National Center for Biodefense and Infectious Diseases des États-Unis. L’équipe américaine dispose d’installations de biosécurité spécialisées de niveau 3 où il est possible de travailler avec des virus aussi contagieux.
Les Américains et les Canadiens ont de bonnes raisons de s’intéresser à l’avenir de cette branche de la recherche. « Les changements climatiques et les voyages internationaux font augmenter le risque de propagation des virus à fièvres hémorragiques, même au Canada. Le réchauffement climatique et la mobilité croissante des personnes rapprochent les maladies tropicales de nos latitudes. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer l’état de santé globale des populations des autres pays. Il devient essentiel d’en savoir plus sur les fonctions virales à l’échelle moléculaire pour que nous puissions développer des traitements plus efficaces et contrôler la propagation de ces maladies », conclut le Pr Omichinski.
À propos de cette étude
Normand Cyr, James Omichinski et leurs collègues ont publié « A ΩXaV motif in the Rift Valley fever virus NSs protein is essential for degrading p62, forming nuclear filaments and virulence » dans l’édition en ligne du 27 avril 2015 de PNAS. Le laboratoire du Pr Omichinski bénéficie du soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
Personne-ressource auprès des médias :
William Raillant-Clark
Attaché de presse à l’international
Université de Montréal
Tél. : 514 343-7593 | w.raillant-clark@umontreal.ca | @uMontreal