Dans sa formulation actuelle, le projet de loi compromettrait la formation de futurs médecins et la croissance du nombre de médecins de famille
Les facultés de médecine de l’Université Laval, de l’Université de Montréal, de l’Université McGill et de l’Université de Sherbrooke souscrivent à l’intention du gouvernement d’optimiser les ressources du système de soins de santé du Québec pour améliorer l’accès aux médecins de famille et aux médecins spécialistes. Toutefois, les Facultés ont aujourd’hui fait part de profondes préoccupations à la Commission de la santé et des services sociaux au sujet de l’impact négatif que le projet de loi aurait sur la formation de futurs médecins et la relève de médecins de famille dans la province.
« Le projet de loi 20, dans sa formulation actuelle, compromet sérieusement les activités qui sont au cœur de notre mission », a indiqué le Dr David Eidelman, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec et doyen de la Faculté de médecine à McGill. « Le projet de loi ne reconnaît pas le rôle majeur que jouent les médecins dans la formation de la prochaine génération de médecins de famille, de médecins spécialistes, de personnel infirmier et d’autres professionnels de soins de santé pour les Québécois. Il ne tient pas compte non plus de la recherche clinique qu’effectuent plusieurs de nos médecins. »
Reconnaître le rôle du médecin enseignant
En vertu du projet de loi 20, les médecins seraient soumis à des quotas annuels de patients qui ne prennent pas en considération les responsabilités supplémentaires en enseignement et en recherche qu’ont les professionnels pratiquant dans des hôpitaux et dans d’autres milieux de santé ayant une mission d’enseignement, comme les unités de médecine familiale (UMF). Ces médecins enseignants doivent être en mesure d’accueillir, de superviser, de former et d’évaluer les cohortes de plus en plus nombreuses d’étudiants et de résidents dans leurs milieux.
Selon les facultés, l’impact serait triple :
- Le projet de loi 20 rendrait très difficile pour les médecins de s’acquitter de leurs responsabilités en enseignement, ce qui nuirait à la qualité, à la capacité des facultés de médecine de former le nombre de médecins de famille requis par le ministère et découragerait ceux qui songent à devenir médecin enseignant;
- La médecine familiale comme choix de carrière serait de moins en moins attrayante, ce qui réduirait, avec le temps, le nombre de médecins de famille pour les Québécois;
- Les activités de recherche seraient compromises de façon similaire.
« Le projet de loi 20 doit prévoir des modalités particulières pour les médecins enseignants, afin qu’ils puissent s’acquitter à la fois de leurs tâches d’enseignement et de leurs tâches cliniques », a souligné le Dr Renald Bergeron, doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Laval. « Dans sa forme actuelle, le projet de loi 20 aura un impact négatif tant sur la qualité des soins offerts aux patients que sur la quantité et la qualité de futurs médecins de famille formés par les facultés de médecine du Québec. »
La médecine de famille en danger
En ce qui concerne la médecine de famille, à la lumière des pénuries constatées de médecins de famille, un effort concerté sur plusieurs années de tous les intervenants, y compris du ministère de la Santé et des Services sociaux, a permis de valoriser et de positionner cette spécialité pour en améliorer l’attractivité et favoriser une formation généraliste en médecine.
« Au cœur de ces initiatives, les médecins de famille ont œuvré en grand nombre dans toutes les dimensions de la formation médicale. Ils ont accepté cette mission et ils ont accompli ce travail avec brio», a tenu à préciser Dre Hélène Boisjoly, doyenne de la Faculté de médecine à l’Université de Montréal. « D’après les projections actuelles, le nombre annuel d’entrées en résidence en médecine de famille, qui a doublé les 10 dernières années, continuera d’augmenter pour atteindre un sommet de 514 en 2017, mais le projet de loi 20, dans sa forme actuelle, pourrait mettre en péril l’atteinte de ces cibles. »
Six principes qui doivent être garantis
Dans le mémoire qu’elle a présenté à la Commission de la santé et des services sociaux, la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec a soumis six principes qui doivent être garantis pour que les Facultés envisagent d’appuyer le projet de loi 20 :
- Principe 1 – La reconnaissance de l’importance cruciale d’une collaboration formelle et soutenue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science et les Facultés de médecine dans la transformation du réseau
- Principe 2 – La reconnaissance du statut de médecin de famille enseignant et chercheur et l’adaptation des exigences cliniques prévues aux exigences académiques
- Principe 3 – La reconnaissance du statut de médecin spécialiste enseignant et chercheur et l’adaptation des exigences cliniques prévues aux exigences académiques
- Principe 4 – La reconnaissance d’une pratique collective et interdisciplinaire de la médecine de famille dans les milieux qui font de l’enseignement
- Principe 5 – La reconnaissance que les milieux cliniques et en particulier les UMF sont à configuration variable et nécessitent donc des ressources adaptées pour répondre aux besoins de leur population et aux besoins de formation
- Principe 6 – La reconnaissance que des conditions matérielles spécifiques sont essentielles si on veut assurer l’accessibilité et une qualité d’enseignement
« La contribution de tous est requise pour valoriser l’excellence de l’enseignement médical et de la recherche », a indiqué le Dr Pierre Cossette, doyen de la Faculté de médecine à l’Université de Sherbrooke. « Nous estimons que nous avons tous un rôle crucial à jouer afin de rendre accessibles aux Québécois des soins de santé de qualité et l’enseignement fait par les médecins est au cœur de la solution. Nous convions donc le MSSS à un dialogue ouvert et constructif, en l’assurant de notre collaboration. »