Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est un peu comme une boîte de conserve bien hermétique, que personne n’a encore réussi à percer. Une équipe de chercheurs canadiens affiliés au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) a découvert un nouveau mécanisme, une sorte d’ouvre-boîte, pour forcer le virus à exposer ses parties vulnérables et ainsi permettre aux cellules du système immunitaire de tuer les cellules infectées.
Cette percée publiée aujourd’hui dans Proceedings of the National Academy of Sciences ouvre une nouvelle voie dans la lutte contre le VIH et pourrait mener ultimement à la conception d’un vaccin pour prévenir la transmission du virus. L’approche novatrice mise de l’avant par les chercheurs pourrait également faire partie de la solution pour un jour éradiquer le virus. Malgré les avancées récentes, 35 millions de personnes sont infectées par le VIH-1 dans le monde.
« Nous avons découvert que les personnes infectées par le virus du VIH-1 possèdent naturellement des anticorps qui ont le potentiel de tuer les cellules infectées », explique l’auteur principal de l’étude Andrés Finzi, chercheur au CRCHUM et professeur à l’Université de Montréal. « Il suffit de leur donner un coup de main en ajoutant une toute petite molécule, qui agit comme un ouvre-boîte pour forcer l’enveloppe du virus à exposer certaines régions reconnues par les anticorps, qui font le pont avec certaines cellules du système immunitaire pour enclencher l’attaque. »
Déjouer les gardiens du VIH
Dans une étude antérieure, aussi publiée en 2015 (Veillette et al., 2015), la même équipe de chercheurs a démontré que le sérum de patients infectés par le VIH-1 facilite l’élimination des cellules infectées, dans la mesure où deux protéines particulières du virus, Nef et Vpu, étaient inactivées par mutation génétique. Ces essais ont été menés à partir des échantillons de sérum issus de la cohorte du Réseau sida et maladies infectieuses (SIDA-MI) du Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ).
Or, dans la réalité, le virus sauvage VIH-1, responsable de la vaste majorité des infections dans le monde, possède toujours ces protéines, qui agissent un peu comme ses gardes du corps. Comment les déjouer? En ajoutant à la surface des cellules des patients infectés une toute petite molécule – appelée JP-III-48 – qui imite une protéine appelée CD4. Cette protéine, située à la surface des lymphocytes T, permet l’infection des cellules du système immunitaire par le VIH.
« Le virus doit se débarrasser des protéines CD4 pour se protéger. L’ajout de la petite molécule force l’enveloppe du virus à s’ouvrir, un peu comme une fleur. Les anticorps présents naturellement suite à l’infection peuvent alors cibler les cellules infectées afin qu’elles soient tuées par le système immunitaire », détaille Jonathan Richard, postdoctorant au CRCHUM et premier auteur de l’étude. La molécule JP-III-48 a été mise au point par des chercheurs de Harvard et de l’Université de Pennsylvanie, et c’est la première fois qu’elle est testée avec succès sur des cellules de patients infectés par le VIH.
Depuis plusieurs décennies, les scientifiques tentent de concocter un vaccin capable de bloquer l’infection par le VIH, qui cause le syndrome d’immunodéficience acquise. Les médicaments antirétroviraux réussissent à freiner la propagation du virus, mais il demeure caché à l’état dormant dans les cellules et revient dès que cessent les traitements. C’est ce qu’on appelle les « réservoirs » du VIH. « La solution serait de mettre au point une thérapie « shock and kill ». Il faudrait réactiver le réservoir du VIH pour faire sortir le virus de sa cachette, puis tuer les cellules infectées à l’aide de cette molécule et des anticorps déjà présents », fait valoir Andrés Finzi, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en entrée rétrovirale.
La découverte de l’équipe d’Andrés Finzi pourrait permettre de développer un vaccin à deux composantes pour prévenir l’infection au VIH : grâce à des anticorps qui sont faciles à générer et l’utilisation de cette nouvelle famille de molécules. Par ailleurs, cette découverte ouvre la voie au développement de stratégies pour éliminer les réservoirs viraux chez les individus déjà infectés. Prochaine étape : tester le potentiel de cet « ouvre-boîte moléculaire » chez le singe.
Source : Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM)
À propos de cette étude
Cette étude a été soutenue financièrement principalement par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation, et les Fonds de recherche du Québec – Santé. Andrés Finzi est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en entrée rétrovirale et professeur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal. Jonathan Richard est titulaire d’une bourse de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada. Les auteurs remercient également le Center for HIV/AIDS Vaccine Immunology Discovery (CHAVI-ID), financé par l’Institut national de la santé (NIH) des États-Unis. Pour plus d’informations, consultez l’article publié en ligne dans Proceedings of the National Academy of Science.
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