Demeurer et recevoir des soins dans leur milieu de vie, participer aux décisions sur leurs soins et éviter autant que possible l’hospitalisation : tels sont les souhaits de la majorité des aînés au Québec, une population qui tend à augmenter avec le vieillissement de la société.
Conscient de cette réalité et de l’importance de former la relève en conséquence, le Département de médecine de famille et de médecine d’urgence (DMFMU) de l’Université de Montréal travaille depuis 2016 à mettre en place des Unités de formation clinique interprofessionnelles universitaires (UFCI-U) en soins à domicile et en CHSLD.
Une UFCI-U est sous la responsabilité de médecins de famille et d’autres professionnels cliniciens enseignants auxquels se greffent des résidents en médecine de famille et des stagiaires de diverses professions (infirmiers, pharmaciens, nutritionnistes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, etc.). Ensemble, ils forment une équipe responsable des soins d’un regroupement de patients vivant à domicile ou en CHSLD.
Ces unités sont de riches milieux d’apprentissage pour les résidents en médecine de famille qui en ressortent mieux outillés pour répondre rapidement aux besoins de la clientèle âgée, en accordant une importance particulière aux conditions médicales et psychosociales instables et aux soins de fin de vie. Hautement formateur pour les apprenants, ce programme bénéficie aussi grandement aux patients qui se retrouvent à devenir partenaires actifs de leurs soins.
« Adaptées aux patients comme un gant »
Les UFCI-U introduisent une approche de partenariat de soins qui part des objectifs et des besoins émis par le patient lui-même, ou son proche aidant s’il n’est pas apte à prendre des décisions éclairées. Ainsi, les professionnels de la santé travaillent de concert avec l’aîné pour définir les solutions et les interventions lui convenant, et les mettre en œuvre conjointement.
« En impliquant le patient, on s’assure de répondre à ses besoins et non pas seulement à ceux que les professionnels identifient, explique la docteure Paule Lebel, responsable des travaux sur l’amélioration continue de la qualité de l’enseignement et des soins en UFCI-U et professeure agrégée de clinique au DMFMU. Quand vient le temps d’appliquer le plan d’intervention en équipe, comme il est fait sur mesure pour et avec le patient, il a bien plus de chance de se réaliser que si les professionnels l’avaient élaboré de leur côté en le présentant par la suite au patient. En définitive, c’est le patient, ou ses proches, qui a le dernier mot sur ses soins. »
Autres éléments clés des UFCI-U : les résidents et les stagiaires apprennent à faire avec les patients et les proches la révision systématique de la médication, ainsi que l’évaluation et le traitement des symptômes comportementaux et psychologiques associés à la démence (SCPD).
Lors de ces activités cliniques, le patient, ou le proche, est appelé à se prononcer sur les médicaments et leurs effets souhaités, notamment sur le contrôle de la douleur ou des effets indésirables, la forme et la fréquence de l’administration, etc. « En procédant ainsi, nous sommes assurés que la relève médicale pourra réduire l’utilisation de médicaments ou les effets secondaires liés à la prise des médicaments, affirme madame Sylvie Trépanier, gestionnaire de projet pour l’implantation des UFCI-U. Et lorsque la prise de médicament est réduite, l’impact est très positif sur la qualité de vie des patients. »
Mourir à la maison ou dans son milieu de vie
Aux yeux de la docteure Paule Lebel, les avantages des UFCI-U se décuplent chez les patients en fin de vie qui désirent terminer leurs jours à la maison ou dans leur milieu de vie. « Les résidents en médecine de famille et les stagiaires développent leurs habiletés à offrir des soins de fin de vie dans le respect des volontés des aînés et de leur dignité, sans transfert à la salle d’urgence. On offre de mourir chez soi, à domicile ou en CHSLD, entouré des siens, le plus confortablement possible. »
En adéquation avec la société actuelle
C’est dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation continue de l’espérance de vie que les UFCI-U prennent tout leur sens. « Dans environ 10 ans, le quart des Québécois auront plus de 65 ans, précise le docteur Sébastien Mubayed, responsable de l’enseignement des soins aux personnes âgées au DMFMU. La « vague de sagesse » va continuer d’augmenter et les hôpitaux ne pourront pas tout prendre en charge. Là réside l’importance d’offrir des soins à domicile adaptés à la personne âgée. »
Selon la docteure Suzanne Lebel, responsable aux plans scientifique, organisationnel et pédagogique de l’implantation des UFCI-U depuis janvier 2019, l’expérience des dernières années révèle que « les résidents en médecine de famille qui font un stage au sein des UFCI-U en soins à domicile ou en CHSLD découvrent la richesse de cette pratique sur les plans humain et clinique et choisissent d’y consacrer une part de leur pratique future ».
Un service offert dans l’ensemble du Québec
Actuellement, 37 de ces unités d’enseignement sont en place sur le territoire du Réseau universitaire intégré de santé et de services sociaux (RUISSS) de l’Université de Montréal. Ce réseau des UFCI-U se déploie de l’Abitibi à la Gaspésie, en passant par Montréal, les Laurentides, Lanaudière, Laval, la Montérégie et la Mauricie.
Les intervenants du DMFMU de l’UdeM accompagnent aussi leurs homologues de l’Université de Sherbrooke dans l’implantation de deux UFCI-U sur leur territoire. Ils ont également rendu publics et disponibles en ligne leurs outils de déploiement, afin de démocratiser le programme à l’ensemble de la communauté universitaire.
Le fruit d’un vaste travail d’équipe
Depuis 2016, un très grand nombre de personnes se sont impliquées dans le projet des UFCI-U. Parmi celles-ci, mentionnons notamment la docteure Nathalie Caire Fon, directrice du DMFMU, et les docteures Louise Authier et Geneviève Dêchene, respectivement professeure agrégée de clinique et chargée d’enseignement clinique au DMFMU. Plusieurs autres intervenants contribuent au développement des activités des UFCI-U par le biais des comités scientifiques, de gouvernance et interfacultaires.
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux