Causée par un mauvais fonctionnement du cerveau, la psychose perturbe le contact avec la réalité et génère notamment des fausses croyances et des hallucinations. Si environ 3 % de la population en souffre, ce sont les jeunes de 15 à 35 ans qui en sont le plus touchés.
Heureusement, la plupart des individus atteints ont une rémission complète de leurs symptômes après un premier épisode; à condition d’intervenir rapidement. Tel est le cheval de bataille de la Clinique JAP du Centre hospitalier de l’Université de Montréal : promouvoir l’importance de la prise en charge précoce et intensive des jeunes souffrant d’un épisode psychotique dès les premiers signes.
« En intervenant précocement, on évite une évolution « sombre » de la psychose (perte d’emploi, arrêt de la trajectoire de scolarisation, exclusion/isolement social, actes violents, suicide), les patients réagissent mieux à des doses plus faibles de médication et meilleures sont les chances de rémission symptomatique et qu’il y ait moins d’impacts au niveau du fonctionnement scolaire, professionnel, social, ou même de l’autonomie », explique la docteure Amal Abdel-Baki, chef de la Clinique JAP et professeure titulaire au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal.
18-30 ans : un âge critique
Dédiée à la détection et au traitement précoce de la psychose, la clinique JAP cible les jeunes adultes de 18 à 30 ans, comme la maladie est plus courante dans cette tranche d’âge, mais aussi que les impacts sur la trajectoire de vie y sont plus importants.
« Lorsque la maladie commence dans ces âges-là, elle a davantage d’impacts sur le fonctionnement, puisque ce sont des âges critiques en termes de développement et d’autonomie, précise la docteure Abdel-Baki. Par exemple, c’est à cette période qu’on commence à s’éloigner du noyau familial, qu’on fait des choix professionnels, qu’on se crée un réseau social, qu’on rencontre son premier amour ou son partenaire de vie. »
D’une part, la maladie a une incidence sur ces événements charnières et, d’une autre, ces étapes de vie peuvent également être des déclencheurs de la maladie. « Même si les événements sont heureux, ils demandent beaucoup d’adaptation à la personne, mais aussi au cerveau, qui doit gérer un grand lot d’émotions et de nouveautés. »
La psychiatre insiste sur l’importance d’agit tôt pour contrôler ce qu’elle appelle « la toxicité sociale » de la maladie, soit le caractère souvent embarrassant des symptômes (hallucinations visuelles ou auditives, idées farfelues, comportements étranges, changements d’émotions brusques, etc.).
Une prise en charge holistique
La Clinique JAP est composée d’une équipe interdisciplinaire qui œuvre de concert pour aider les jeunes à réintégrer le plus possible leur trajectoire de vie et leurs rôles sociaux. Des ergothérapeutes, travailleurs sociaux, infirmières, psychothérapeutes et psychiatres interviennent pour offrir une pharmacothérapie appropriée, s’adapter aux déficits secondaires à la psychose, accompagner le patient et son entourage, et aider à donner du sens à cette expérience souvent traumatisante.
Les jeunes fréquentant la clinique peuvent également recevoir du soutien par des pairs, des individus étant ou ayant été atteints d’une psychose qui utilisent leur expérience avec la maladie et les traitements pour aider autrui. « Les pairs-aidants jouent des rôles importants auprès des jeunes. C’est difficile d’apprendre qu’on a une maladie, de surcroit une maladie mentale qui est associée à beaucoup de stigmatisation. Ces personnes sont donc des modèles de rétablissement positif, ils incarnent l’espoir. »
D’une durée de trois ans, le suivi préconise une approche adaptée aux jeunes (youth friendly), pour que ces derniers se sentent compris, écoutés, acceptés. « On essaie de s’adresser à eux dans des termes qu’ils vont comprendre, on ajuste les horaires de rendez-vous au calendrier scolaire ou de travail, les lieux physiques sont aménagés en conséquence, les choix d’activités thérapeutiques sont adaptés à leur âge. »
Une approche qui semble porter ses fruits : 80 % des jeunes traités à la Clinique JAP qui présentent un premier épisode psychotique verront leurs symptômes disparaître ou s’améliorer à l’intérieur des trois premiers mois. « Contrairement aux préjugés, la grande majorité retournent au travail et/ou aux études et vivent de façon autonome dans leur communauté », se réjouit la docteure Abdel-Baki.
En savoir plus sur la Clinique JAP Fondée en 1999, la Clinique JAP offre aux jeunes aux prises avec une psychose débutante de meilleures possibilités de rétablissement par le biais d’une intervention interdisciplinaire spécialisée, précoce, intensive, axée surtout sur les services dans la communauté. Elle s’adresse : Les jeunes peuvent être référés par des professionnels en santé mentale, des médecins, des psychologues ou intervenants travaillant auprès de jeunes. La famille, l’école, les amis ou les personnes elles-mêmes peuvent également soumettre une demande de consultation. Suivant l’exemple de la Clinique JAP (qui a pour mission de soutenir le développement de ce modèle de soins) et d’autres cliniques pionnières, plusieurs cliniques similaires existent maintenant à travers la province.
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux