Approuvés pour différentes indications, ils présentent des effets épigénétiques pour le traitement du cancer
Des chercheurs nord-américains viennent d’identifier des médicaments susceptibles d’être utilisés pour traiter le cancer, révèle une étude récente publiée dans Cancer Research. Il s’agit de molécules qui servent normalement à traiter d’autres maladies, comme l’insuffisance cardiaque, l’arythmie cardiaque et des infections. « Nous avons repéré une dizaine de médicaments qui parviennent à réactiver les gènes suppresseurs de tumeurs, par un nouveau mécanisme épigénétique encore jamais observé auparavant », affirme Noël Raynal, MSc, PhD, chercheur au CHU Sainte-Justine. « Les mécanismes épigénétiques contrôlent l’expression des gènes. Ils sont fortement déréglés dans les cellules cancéreuses. Ce nouveau mécanisme agit en ciblant les niveaux de calcium intracellulaire », explique-t-il.
Tous les médicaments identifiés sont déjà approuvés par la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme qui réglemente les aliments et les médicaments aux États-Unis. « Leur sécurité et leur effet sur l’humain étant connu et démontré, on pourra réduire les délais avant de les tester en clinique, ce qui permettra de les rendre accessibles aux patients beaucoup plus rapidement », se réjouit le premier auteur de l’étude, qui est aussi professeur au Département de pharmacologie de l’Université de Montréal.
Un cancer survient lorsque le patrimoine génétique et épigénétique d’une cellule est altéré. La cellule se dérègle et se multiplie alors anormalement pour former des amas tumoraux. « Les cellules du corps humain possèdent une défense naturelle, qu’on appelle des gènes suppresseurs de tumeur, qui sont réduits au silence par des mécanismes épigénétiques enclenchés par le cancer, explique Noël Raynal. Nous avons voulu trouver rapidement des traitements qui renversent ce dérèglement. »
Pour parvenir à cet objectif, les chercheurs ont passé au crible plus de 1100 médicaments autorisés par la FDA. Du nombre, ils ont retenu les 14 médicaments les plus prometteurs, détectés grâce à un modèle cellulaire créé dans le laboratoire de Jean-Pierre Issa, MD, professeur à la Temple University de Philadelphie, aux États-Unis. Parmi les médicaments retenus aux fins de validation dans différents types de cellules cancéreuses figurent notamment les glycosides cardiotoniques et des antibiotiques, dont les effets épigénétiques étaient jusqu’alors inconnus.
« Nous avons découvert que la modification du flux de calcium intracellulaire pouvait servir de cible thérapeutique pour modifier les altérations épigénétiques dans les cellules cancéreuses. Tous nos médicaments candidats avaient en commun d’agir sur la voie calcique et d’activer une enzyme indispensable à l’effet anticancéreux », affirme le chercheur.
Les scientifiques ont aussi constaté un « effet de classe », puisque la moitié des médicaments étaient des glucosides cardiotoniques. « Ça concorde avec des études épidémiologiques qui ont démontré moins de cancer chez les patients traités par glucosides cardiotoniques, et des formes de cancers beaucoup moins agressives quand ils étaient néanmoins atteints de cancer », souligne-t-il.
Pour l‘instant, l’éventail de médicaments approuvés en clinique connus pour reprogrammer les cellules cancéreuses et leur redonner une « santé épigénétique » est limité à quatre médicaments, qui agissent sur deux mécanismes seulement, celui de la modification des histones et de la méthylation de l’ADN. « Il faut approfondir les recherches du côté des médicaments qui ciblent la signalisation calcique intracellulaire, comme les glycosides cardiotoniques et certains antibiotiques. Ils recèlent un potentiel inestimable pour élargir le nombre de médicaments efficaces à guérir les personnes atteintes de cancer », conclut le chercheur.
En parallèle de ces travaux, Noël Raynal codirige avec son collègue Henrique Bittencourt, MD, PhD, l’étude clinique DEC-GEN, qui donne un espoir de survie aux enfants et adolescents atteints de tumeurs solides ou de leucémies pour qui les traitements conventionnels restent impuissants. Pour savoir comment participer à l’étude, communiquez avec Anne-Julie Landry au 514-345-4931, poste 6471.
Au sujet de l’étude
L’article intitulé « Targeting calcium signaling to induce epigenetic reactivation of tumor suppressor genes in cancer » est paru en ligne dans Cancer Research. Noël J.-M. Raynal, MSc, PhD, est chercheur dans l’axe Maladies virales, immunitaires et cancers au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur-chercheur adjoint au Département de pharmacologie de l’Université de Montréal.
À propos du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. Axé sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus rapides et d’avenues prometteuses de médecine personnalisée, il réunit plus de 200 chercheurs, dont plus de 90 chercheurs cliniciens, ainsi que 360 étudiants de cycles supérieurs et postdoctorants. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand centre mère-enfant au Canada et le deuxième centre pédiatrique en importance en Amérique du Nord.
Source :
Marise Daigle et Maude Hoffmann, Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
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