Détective et mère de 42 enfants, dont trois biologiques. Ou plutôt chercheuse et mentore. Ou encore pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine et professeure titulaire au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal.
Autant de titres qui décrivent la docteure Caroline Quach-Thanh, enthousiaste chercheuse qui œuvre quotidiennement à la prévention des infections, qu’elles soient nosocomiales (acquises en milieux de soins) ou évitables par la vaccination.
« Au-delà du traitement d’un patient individuel, ce que j’aime encore plus c’est de comprendre et de mettre en place des mesures de santé publique qui peuvent bénéficier à une population complète, explique celle qui a été nommée en 2019 au Top 100 des femmes les plus influentes du Canada. C’est bien beau être capable de traiter, mais dans une ère où l’antibiorésistance se développe rapidement, je pense qu’il faut tout d’abord des bases solides pour s’assurer que les maladies ne se transmettent pas. »
Formée en médecine à l’Université de Montréal, c’est lorsqu’elle entreprend sa résidence en pédiatrie à Sainte-Justine que la docteure Quach-Thanh découvre l’infectiologie et la clinique, la portion « investigation et travail de détective » de sa profession.
Elle décide par la suite de pousser la réflexion plus loin en suivant une formation aux cycles supérieurs en microbiologie-infectiologie et une maîtrise en épidémiologie à l’Université McGill, où elle développera un intérêt marqué pour la recherche. « La recherche permet d’aller répondre à des questions parfois toutes simples et bêtes, mais qui permettent ensuite de faire des recommandations basées sur des données probantes. Une opinion d’expert ne suffit pas; l’intuition doit être basée sur des données solides. »
Portée par cette conviction, la docteure Quach-Thanh dédie son expertise à la prévention des infections et aux façons d’éviter leur transmission, particulièrement en milieu hospitalier. Si ses deux intérêts de recherche principaux sont la vaccination et les maladies nosocomiales, ses projets touchent à plusieurs domaines, qu’ils soient médicaux ou non.
Par exemple, la chercheuse étudie actuellement la transmission de pathogènes résistants autour des éviers dans des unités de soins intensifs néonataux. Elle collabore avec des ingénieurs afin d’évaluer les risques autour des éviers et d’identifier le meilleur design pour diminuer ces risques. « Les éviers peuvent être de grandes sources d’infections, notamment en néonatologie où la population est particulièrement vulnérable. Les drains peuvent ainsi être un réservoir de résistance. Il faut donc connaître leurs impacts sur la colonisation des bébés. »
La docteure Quach-Thanh rappelle le danger des bactéries multirésistantes et l’importance de la prévention en milieu hospitalier, au sens très large du terme : entretien ménager, hygiène des mains, personnel attentif, chambres individuelles, etc. « Je ne saurais trop insister là-dessus. À New York, un hôpital a dû détruire une chambre pour se débarrasser d’un cas de Candida auris, une levure qui survit si bien dans l’environnement et qui est si résistante aux traitements connus qu’une fois la pièce colonisée, il n’y avait pas moyen de la traiter. »
Pas de quoi mettre en berne les efforts et le dynamisme de la docteure Quach-Thanh, qui travaille également sur les façons de bonifier l’offre de vaccination, de la rendre plus accessible et disponible, toujours dans une optique de prévention. Prochainement, la chercheuse se penchera sur les vaccins à venir contre le Clostridium difficile : apprivoiser leur fonctionnement et déterminer si certains groupes à risque devraient le recevoir sous un régime particulier.
Membre de l’Académie canadienne des sciences de la santé, la chercheuse collabore aussi avec des anthropologues et des ingénieurs pour mieux comprendre les barrières et les facilitateurs à l’implantation des mesures de prévention et à la pérennité de ces mesures en milieu hospitalier.
« Ce qui est fascinant de nos jours en recherche, c’est l’interdisciplinarité et l’intersectorialité, pas juste entre spécialités médicales, mais avec d’autres domaines. Quand il y a des sujets complexes, où le comportement humain est impliqué, et qu’on met ensemble des équipes à l’expertise variée sur une même question, on fait avancer la science d’une façon extraordinaire. »
Cette collaboration, la docteure Quach-Thanh y croit fermement. Encore plus lorsqu’elle revêt son chapeau de professeure, ou plutôt de mentore, un terme qui reflète à merveille le soutien constant et la présence attentive qu’elle offre à ses étudiants.
« J’ai orienté beaucoup de carrières, ce qui m’a valu le Prix de mentorat John Embil en maladies infectieuses, de la Fondation canadienne des maladies infectieuses, en 2016. C’est vraiment dans ces relations d’échanges et de transmission des savoirs que je m’épanouis le plus. Quand je dis que j’ai 42 enfants, c’est vrai! »
Février 2020
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux
Photo : Benjamin Seropian