Une corrélation entre l’insécurité à l’école et l’obésité juvénile a été établie par des chercheuses de l’Université de Montréal et du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, qui lui est affilié. « Chez les enfants, la prévalence et la persistance de l’obésité sont dues à un ensemble complexe de facteurs. Nos recherches révèlent une interaction complexe entre le sentiment d’insécurité, la pauvreté et l’obésité, explique la professeure Tracie Barnett, auteure principale de l’étude. Étonnamment, la victimation à l’école est associée à l’obésité juvénile et au temps passé devant un écran d’ordinateur ou de télévision, mais le temps d’écran seul n’est pas corrélé avec l’obésité. Cela suggère que le sentiment d’insécurité et la victimation jouent un rôle clé dans la persistance de l’obésité. »
Les scientifiques en sont venues à cette conclusion en analysant les données recueillies auprès de 1 234 jeunes Québécois faisant leur entrée à l’école secondaire. On a demandé aux élèves quel était leur sentiment de sécurité à l’école et s’ils avaient été victimes d’intimidation verbale, sociale ou physique. Ces renseignements ont été complétés par un profilage familial et une évaluation des habitudes de vie des élèves. De plus, on a demandé aux enseignants d’évaluer l’ambiance à l’école – si les élèves craignaient de fréquenter certains endroits, par exemple. « Les jeunes vivant dans une pauvreté chronique ont une plus grande probabilité d’être obèses que les autres; pourtant ils tendent à être plus actifs physiquement, peut-être parce qu’ils se déplacent moins en voiture, explique Caroline Fitzpatrick, coauteure de l’étude. D’autres facteurs, comme le sentiment d’insécurité et la victimation à l’école, expliquent mieux la tendance à l’obésité ou à l’embonpoint des jeunes vivant dans la pauvreté. » L’équipe de recherche a également découvert que les garçons sont plus à risque de ressentir de l’insécurité et d’être victimisés à l’école que les filles.
La relation de cause à effet entre l’obésité et l’intimidation n’est pas claire toutefois; les chercheuses ne peuvent écarter la possibilité que les jeunes qui sont obèses subissent davantage d’intimidation que les autres, ce qui contribuerait à perpétuer le problème. En outre, la victimation à l’école peut être un problème particulier chez les jeunes vivant dans la pauvreté. « Pour les jeunes qui vivent dans une pauvreté chronique, la victimation est la source de leur sentiment d’insécurité. Par contre, chez les jeunes qui ont connu la pauvreté plutôt durant la petite enfance, le sentiment d’insécurité n’est pas corrélé à l’intimidation. Pour ces jeunes, le sentiment d’insécurité pourrait s’expliquer par une perception de vulnérabilité issu de la pauvreté ou des effets du stress à long terme sur la santé mentale et physique, un phénomène connu sous le nom de charge allostatique, explique Carolyn Côté-Lussier, première auteure de l’étude. Nos résultats suggèrent également une transmission familiale du poids corporel, ce qui met en évidence le rôle inhibiteur de la pauvreté familiale dans la capacité du jeune à adopter des comportements favorisant l’atteinte d’un poids santé. »
Avoir un sentiment d’insécurité à l’école et être la victime d’intimidation ne sont pas la même chose. « L’un des objectifs de notre étude était de relever les facteurs, à l’échelle d’une population, susceptibles de hausser le sentiment de sécurité des jeunes, déclare la chercheuse postdoctorale. Il peut être difficile de réduire l’incidence des cas d’intimidation, mais certaines de nos études suggèrent que le verdissement et la réduction du désordre dans le quartier contribuent à améliorer la perception de sécurité des jeunes dans leur école, indépendamment de l’intimidation. »
La professeure Barnett estime que ces résultats soulignent la nécessité de tenir compte de facteurs environnementaux multiples dans la lutte contre l’obésité juvénile. Elle précise : « Hausser le sentiment de sécurité des jeunes à l’école est une intervention parmi plusieurs autres qui pourrait atténuer la relation entre la pauvreté et l’obésité. Pour ce faire, on pourrait, outre les mesures ciblant directement la violence à l’école, améliorer l’environnement du quartier, favoriser les relations entre les jeunes et leurs enseignants et promouvoir un climat de respect et d’appréciation dans l’ensemble de l’école. »
À propos de cette étude
Carolyn Côté-Lussier, Caroline Fitzpatrick, Louise Séguin et Tracie A. Barnett ont publié un article intitulé « Poor, Unsafe and Overweight: The Role of Feeling Unsafe at School in Mediating the Association Between Poverty Exposure, Youth Screen Time, Physical Activity and Weight Status » dans l’édition du 28 avril 2015 de l’American Journal of Epidemiology.
Carolyn Côté-Lussier, Caroline Fitzpatrick et Tracie A. Barnett sont chercheuses au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, affilié à l’Université de Montréal. Carolyn Côté-Lussier, chercheuse postdoctorale, est affiliée au Département de médecine préventive et sociale de l’Université de Montréal. Louise Séguin est également affiliée à ce département, ainsi qu’à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM). Tracie A. Barnett est affiliée à l’INRS-Institut Armand-Frappier et à l’Université Concordia. Caroline Fitzpatrick, chercheuse post doctorale, est également affiliée à l’Université Concordia. Louise Séguin est affiliée au Centre Léa-Roback de recherche sur les inégalités sociales de santé et à l’International Network for Research on Inequalities in Child Health.
L’étude a été financée par la subvention 00309MOP-123079 des Instituts de recherche en santé du Canada. Les données ont été recueillies par l’Institut de la statistique du Québec, Direction Santé Québec. L’IRSPUM et le CRCHUM ont bénéficié d’un financement d’infrastructures du Fonds de recherche du Québec – Santé. Carolyn Côté-Lussier est titulaire d’une bourse postdoctorale du Fonds de recherche du Québec – Société et culture.
Personne-ressource auprès des médias :
William Raillant-Clark
Attaché de presse à l’international
Université de Montréal
Tél. : 514 343-7593 | w.raillant-clark@umontreal.ca | @uMontreal