Bon nombre de personnes de plus de 65 ans éprouvent une forme quelconque de perte de mémoire. Ce phénomène, qui est tout à fait normal, est appelé « troubles de la mémoire liés à l’âge ». L’Alzheimer ne fait pas partie du processus normal de vieillissement. C’est une maladie cognitive irréversible et progressive qui détruit lentement les cellules du cerveau causant des troubles de la pensée et de la mémoire et menant éventuellement à une incapacité à vaquer à ses occupations quotidiennes.
Le terme « troubles cognitifs » est un terme général qui fait référence à différents troubles du cerveau. Les troubles cognitifs sont causés par des changements physiques dans le cerveau. – Société Alzheimer Canada
La maladie d’Alzheimer est la forme de maladie neurodégénérative la plus répandue, représentant 64 % de tous les cas au Canada. C’est également la forme la plus courante de démence. Dans la plupart des cas, les premiers symptômes apparaissent vers la mi‑soixantaine. En 2016, on estime que 564 000 Canadiens vivent avec l’Alzheimer ou une maladie apparentée. On estime que près de la moitié des cas d’Alzheimer à travers le monde serait le résultat de quelques facteurs de risque modifiables qui incluent : l’alimentation, le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, le taux élevé de cholestérol, l’obésité et la sédentarité.
Outre, les facteurs non modifiables (comme l’âge, les antécédents familiaux, génétiques, etc.), il y a des facteurs qui exercent un effet protecteur sur le cerveau et qui peuvent aider à réduire le risque de l’Alzheimer et des maladies apparentées. Parmi ces facteurs se trouvent la pratique quotidienne d’activité physique, la pratique régulière d’activités mentales stimulantes (lecture, apprentissage, jeux de mémoire, etc.) et l’adoption (ou la poursuite) de saines habitudes alimentaires.
Depuis quelques années, on assiste à un intérêt grandissant quant au rôle de l’alimentation dans la prévention de la maladie d’Alzheimer (MA). Parmi les facteurs potentiels de protection, la consommation de certains aliments, mais particulièrement l’adhésion à certains régimes alimentaires, semble efficace contre le développement de la maladie, ou du moins pour en ralentir sa progression.
Alzheimer et alimentation
Une évaluation systématique incluant 46 études épidémiologiques a conclu qu’une élévation de biomarqueurs inflammatoires était associée avec des diètes de style nord-américaines, caractérisées par une grande consommation de produits animaliers, particulièrement la viande rouge. À l’opposé, cette même revue indique que les diètes basées sur les aliments d’origine végétale sont davantage associées à une diminution de ces biomarqueurs. À ce sujet, un consensus semble se dessiner quant à la prévention des régimes riches en fruits et légumes, huile d’olive et noix, donc riches en composés antioxydants, sur la MA. En parallèle, une étude montre que dans plus de 100 aliments d’origine végétale, on a mesuré une activité anti‑inflammatoire très élevée. Ces résultats viennent corroborer d’autres résultats indiquant l’effet bénéfique de certains régimes, principalement le régime méditerranéen, sur la santé cognitive, notamment la MA.
Le régime méditerranéen
Ce type de régime typique des pays qui bordent la Méditerranée protège des maladies cardiovasculaires et améliore l’espérance de vie. Cette diète est caractérisée par un apport élevé en céréales (principalement à grains entiers), légumes, légumineuses, fruits, noix et huile d’olive. Elle s’appuie également sur une consommation régulière de poisson et de volaille, ainsi qu’une consommation modérée d’alcool, principalement de vin rouge pris pendant le repas, ainsi que de produits laitiers et d’œuf. Par ailleurs, cette diète se distingue par une faible consommation de sucreries, de viande rouge et transformée, notamment de charcuteries. À l’inverse de la diète du type nord-américain ou occidental, la diète méditerranéenne est classée comme un modèle de régime basé sur les aliments d’origine végétale et riche en antioxydants. Inscrite en 2013 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, elle symbolise le partage et le plaisir de la table, de la diversité alimentaire et de la proximité des marchés d’alimentation.
Pyramide représentant la diète méditerranéenne, intégrant les aspects culturels tels que l’engagement social, les activités culinaires, et l’activité physique. Tiré de la publication de Bach-Faig et coll., 2011
Ses effets sur la MA
En 2014, un groupe de chercheur a publié une revue systématique et une méta‑analyse sur l’association entre la diète méditerranéenne et la maladie d’Alzheimer. Les cinq études d’observation incluses dans cette méta‑analyse ont été menées sur une durée minimale d’un an. Les résultats montrent que le groupe ayant une plus grande adhésion à la diète méditerranéenne avait jusqu’à 33 % moins de risque de développer la MA que le groupe avec la moins grande adhésion (0.64; 95 % CI, 0.46-0.89; P<0.007). De plus, une meilleure adhésion à la diète méditerranéenne diminue les risques de progression de la maladie, plus spécifiquement d’une transition de la déficiente cognitive légère vers la MA, comparée au groupe moins compliants (HR=0.67;95 % CI, 0.55-0.81; P<0.0001).
Une autre méta‑analyse incluant 18 études et plus de 2 millions de participants a montré qu’une bonne adhésion à la diète méditerranéenne réduisait de 13 % les risques de développer des maladies neurodégénératives (RR = 0.87 [95 % CI = 0.81-0.94]), en plus de réduire la mortalité totale.
L’essai clinique PREDIMED-NAVARRA a montré qu’après 4,8 ans de suivi, les patients randomisés pour recevoir un régime méditerranéen enrichi en huile d’olive extra vierge ou en noix ont une meilleure fonction cognitive que les témoins qui suivent un régime pauvre en graisse. Une seconde étude clinique parut en 2015 suivie pendant plus de 4 ans par 330 hommes et femmes en santé, mais à haut risque de maladies cardiovasculaires, a conclu également que la diète méditerranéenne améliore la fonction cognitive, protégeant ainsi contre la survenue de la MA. En effet, les personnes qui adhéraient à la diète méditerranéenne incluant un supplément de 60 ml d’huile d’olive pressée à froid par jour, ou incluant un supplément de 30 g de noix par jour, obtenaient de meilleurs résultats aux différents tests cognitifs, comparés à la diète contrôle (réduite en lipides). Les bénéfices de ces diètes étaient indépendants de l’âge, du sexe, de l’apport énergétique, du niveau d’éducation, du génotype APOE ɛ4, et des risques vasculaires.
Quelques autres études cliniques n’ont pas montré d’association entre l’adhésion à la diète méditerranéenne et la MA. Plusieurs facteurs confondants, notamment l’âge des participants, une population à haut risque vasculaire, le stade de la maladie, mais également la présence ou non de certains composés nutritionnels, pourraient contribuer à la divergence dans les résultats.
Application de la diète méditerranéenne dans un contexte nord‑américain
Il est vrai que l’alimentation des Nord‑Américains diffère considérablement du régime méditerranéen traditionnel et il peut paraître difficile de modifier notre alimentation. Toutefois, une étude québécoise a révélé qu’après 12 mois, les participantes qui ont modifié leur alimentation ont retiré plusieurs bénéfices suite à l’adhésion au régime méditerranéen. En général, les participantes appréciaient cuisiner la diète méditerranéenne dans 97 % des cas, notamment pour : sa facilité, la découverte, l’aspect santé, le goût, la variété et la satisfaction des membres de la famille. Autre fait positif : les participantes ont dit cuisiner davantage après l’étude.
Conclusion
Au cours des dernières années, plusieurs recherches ont permis de démontrer qu’une alimentation saine, basée sur les principes de la diète méditerranéenne, peut contribuer à maintenir une meilleure santé cognitive.
C’est l’alimentation méditerranéenne dans son ensemble qui s’avérerait bénéfique pour prévenir l’Alzheimer et en ralentir la progression. Ses bienfaits seraient plutôt attribuables à la synergie de tous les aliments (et des habitudes) qui la composent et non pas à l’effet d’un aliment ou d’un élément nutritif en particulier.
L’alimentation méditerranéenne, c’est :
- Une variété d’aliments frais et de saison, produits dans le respect de l’environnement. Une alimentation qui cultive le plaisir, le partage et les plats cuisinés avec soin.
- Une consommation :
- abondante de grains entiers, de légumes, de fruits, de légumineuses, de noix et de graines ainsi que d’eau;
- modérée de poissons, de fruits de mer, d’œufs, de volaille, de viande blanche et de produits laitiers;
- limitée de viande rouge, de viande transformée et de sucreries.
- L’utilisation d’huile d’olive comme matière grasse de premier choix
- Du vin en modération, pour accompagner les repas
Texte : Nathalie Jobin, Dt.P., Ph. D.
Références
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