Insécurité alimentaire, obésité et diabète : portrait inquiétant des Premières Nations au Québec

Au Québec, 48 % des ménages des Premières Nations* résidant sur une réserve vivent une certaine insécurité alimentaire (grave ou modérée), comparativement à une moyenne de 11 % pour l’ensemble du Canada.

C’est ce que révèle la mouture québécoise de l’Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement des Premières Nations (EANEPN), un projet conjoint de l’Assemblée des Premières Nations (APN), l’Université de Montréal et l’Université d’Ottawa, mené au Québec auprès de plus de 500 adultes de 10 communautés des Premières Nations.

« C’est très, très élevé, commente Malek Batal, chercheur principal pour le volet nutrition de l’EANEPN et professeur agrégé au Département de nutrition de l’Université de Montréal. L’insécurité alimentaire est un affront au droit à l’alimentation saine qui favorise la bonne santé. C’est un droit fondamental auquel ces personnes n’ont pas accès. C’est une crise. »

D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la sécurité alimentaire existe lorsque « tous les individus, à tout moment, ont un accès économique et physique à une alimentation nourrissante, salubre et suffisante qui leur permet de satisfaire leurs besoins alimentaires et leurs préférences alimentaires, pour mener une vie saine et active ».

Ainsi, cette étude sans précédent dévoile que près de la moitié des ménages des Premières Nations vivant sur une réserve au Québec ne peuvent pas s’offrir une alimentation adéquate en raison de ressources financières insuffisantes. Selon les résultats de l’étude, le coût moyen estimé d’un panier alimentaire nutritif et sain pour une famille de quatre personnes dans les communautés des Premières Nations au Québec est de 262 $, contre 196 $ en région métropolitaine. Dans certaines communautés éloignées, le coût peut être encore plus élevé.

Un état de santé préoccupant

L’EANEPN rapporte également qu’au Québec, 66 % des adultes des Premières Nations sont en situation d’obésité (indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m2), comparativement à une moyenne nationale de 25 %. La prévalence du diabète monte quant à elle à 25 %, la moyenne québécoise tournant autour de 8 %.

Malek Batal affirme qu’il est difficile d’expliquer précisément ces taux très élevés au Québec. « Une explication probable est la qualité de l’alimentation que nous avons trouvé être déficiente, en plus de la sédentarité », précise le chercheur spécialisé en déterminants environnementaux, sociaux, économiques et culturels des choix alimentaires.

Les communautés autochtones étudiées ne consomment pas les quantités requises de fruits et légumes, de produits céréaliers à graines entières, ni de produits laitiers. De plus, les viandes consommées proviennent majoritairement de produits transformés et de la charcuterie.

« En lien avec cette alimentation, il n’est pas étonnant que la teneur en gras saturés et en sel soit très élevée, ce qui corrèlerait avec les problèmes d’obésité, de maladies cardiovasculaires, de diabète, etc. Les problématiques de santé chroniques liées à l’alimentation sont là très importantes, encore plus que dans le reste du Canada autochtone et qu’au Québec allochtone. »

Les aliments traditionnels, une piste de solution

L’étude a montré que les populations autochtones interrogées avaient toujours un intérêt pour l’alimentation traditionnelle et que 84 % d’entre elles souhaiteraient en consommer davantage.

Plusieurs facteurs d’ordre systémique font qu’il est difficile pour les Autochtones d’inclure les aliments traditionnels dans leur régime. Notamment : l’absence d’un chasseur dans le ménage, le manque de temps ou de savoirs traditionnels pour se procurer les aliments, les impacts de l’industrialisation et la diminution des ressources naturelles.

Les changements climatiques affectent également la récolte des aliments traditionnels. Par exemple, certains lacs et ponts de glace autrefois franchissables en motoneige ne le sont plus et certaines espèces ont cessé de migrer près des communautés.

Selon Malek Batal, l’accès aux aliments traditionnels est très important, puisqu’ils « améliorent de loin de qualité alimentaire ». À ses yeux, ces aliments sont de meilleure qualité que ceux que peuvent trouver les communautés autochtones étudiées dans les épiceries, surtout dans les communautés éloignées. « Même en petite quantité, quand la nourriture traditionnelle est consommée, les apports de nombreux nutriments sont plus élevés, y compris les protéines, les vitamines et les fibres. »

Quelques points positifs

Malgré les préoccupations de certaines communautés des Premières Nations au Québec, les chercheurs soulignent que les faibles concentrations de contaminants, tel que le mercure, trouvées dans les aliments traditionnels ne posent pas de risque pour la santé en fonction des habitudes de consommation actuelles. Toutefois, les taux augmentent dans les régions plus nordiques. « Ces résultats indiquent la nécessité d’une communication soutenue sur l’importance des aliments traditionnels et sur la façon de réduire les risques d’exposition au mercure », ajoute Malek Batal.

Aussi, la qualité de l’eau, d’après les concentrations de métaux-traces et de produits pharmaceutiques, a été jugée acceptable. Les auteurs de l’EANEPN rappellent cependant qu’une surveillance étroite est nécessaire puisque les sources d’eau et le traitement de l’eau varient selon les communautés.

*Les termes « Premières Nations » et « Autochtones » sont à ne pas confondre. Les Autochtones au Canada sont répartis en trois groupes : Premières Nations (50,7 %), Métis (37,9 %) et Inuits (7,6 %). Ainsi, les Premières Nations sont des Autochtones, mais tous les Autochtones ne sont pas des Premières Nations.

Découlant d’un partenariat sur dix ans, l’Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement des Premières Nations (EANEPN) est une vaste étude pancanadienne qui détaille les habitudes alimentaires, le mode de vie et l’état de santé général de près de 7 000 adultes dans 93 communautés du pays.

Les résultats représentatifs pour le Québec et le Labrador ont été rendus publics le 2 mai 2019 dans le cadre d’une réunion de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL) se tenant à l’hôtel Delta Montréal.

Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux

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