Au Québec, les politiques d’immigration visent à attirer « les meilleurs et les plus brillants »1. Emmanuel Patrice Valcin est assurément l’un d’eux. Mais qu’importe ses diplômes et ses années d’expérience comme médecin en Haïti, il a dû faire d’immenses sacrifices pour obtenir son titre ici. Portrait d’un immigrant guidé par la volonté de soigner les gens.
En 2005, le Dr Emmanuel Patrice Valcin pose ses valises avec sa famille à Montréal, heureux d’offrir à ses enfants un environnement stable et propice aux études. Travailleur qualifié, le nouvel arrivant est rempli d’optimisme. Sa priorité : trouver un emploi transitoire pour subvenir aux besoins de ses proches. Mais la réalité va vite le rattraper.
Retour à la case départ
Il se remémore avec émotion ses premières années au Québec. Lui, le diplômé de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université d’État à Port-au-Prince et médecin reconnu dans son pays d’origine, doit cumuler les petits boulots. Gardien de sécurité de soir et de fin de semaine, puis infirmier auxiliaire, il apprend l’humilité.
C’est que la médecine au Québec est régie par une instance de réglementation et un ordre professionnel. Il doit refaire une formation de 2e cycle universitaire et passer un examen pour obtenir son permis d’exercice. Concilier le travail, les études et la famille s’avère un processus coûteux et éprouvant. Mais le besoin de se sentir utile, de se réaliser et, surtout, de soigner les gens de sa terre d’accueil est plus fort que tout.
Batailleur et ambitieux, Emmanuel Patrice Valcin est prêt à mettre les bouchées doubles. Loin de se décourager, il refuse de « signer l’acte de décès » de sa profession. «Être médecin, ce n’est pas juste avoir un diplôme. C’est viscéral », dit-il avec passion.
La vie, c’est comme une bicyclette. Il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre .
Dr Emmanuel Patrice Valcin citant Albert Einstein
Enfin médecin
En 2014, soit 10 ans après son arrivée au Québec, il obtient enfin une place de résidence en médecine familiale à l’Université de Montréal. Diplômé deux fois pour la même profession, le Dr Valcin pratique aujourd’hui à la Maison de la Sérénité à Laval, à titre de médecin de famille et enseigne à la Faculté de médecine de l’UdeM.
Il exhorte ses deux garçons et les jeunes de sa communauté à ne pas baisser les bras. « Si j’ai pu faire ma place ici comme immigrant malgré les nombreux défis, vous le pouvez aussi. Le parcours est difficile, mais gratifiant. Je souhaite à tous ceux qui choisissent le Québec comme terre d’accueil un avenir à la hauteur de leurs attentes. La vie, c’est comme une bicyclette. Il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. »
Par Déborah St-Victor
[1] « Être médecin et immigrant au Québec : une identité professionnelle malmenée », Institut universitaire Sherpa https://sherpa-recherche.com/publication/etre-medecin-et-immigrant-au-quebec-une-identite-professionnelle-malmenee%E2%80%AA/