En raison de la qualité exceptionnelle des dossiers reçus dans le cadre des Prix Carsley-Rouleau pour l’engagement social, l’offre de prix a été bonifiée. Découvrez les 9 récipiendaires derrière les 6 projets récompensés.
Les Prix Carsley-Rouleau pour l’engagement social récompensent des projets d’étudiantes et étudiants impliqués dans des activités extérieures à leur programme de formation et qui permettent d’améliorer les soins aux personnes défavorisées et marginalisées. En raison de la qualité exceptionnelle des dossiers reçus dans le cadre de la première édition de ce concours, le jury a décidé d’utiliser le Fonds alma mater de la Faculté de médecine pour bonifier l’offre de prix pour l’engagement social. Découvrez les 9 récipiendaires derrière les 6 projets récompensés.
Prix Carsley-Rouleau pour l’engagement social
Mélanie Napartuk et Ariane Lafortune : des capsules vidéo pour améliorer l’alimentation et les soins de santé aux Autochtones
Le projet Nalliriik
Dans la foulée du plan d’action Place aux Premiers Peuples 2020-2023 réalisé à la suite du Forum citoyens sur l’accès des Autochtones aux professions de la santé, la Faculté de médecine s’est engagée à enrichir le contenu de ses programmes pour plus de cohérence avec les réalités et les valeurs autochtones.
Profitant de cette conjoncture favorable, Mélanie Napartuk et Ariane Lafortune, toutes deux étudiantes à la maîtrise au Département de nutrition, ont uni leurs forces pour lancer le projet de capsules vidéo Nalliriik, en partenariat avec la Faculté de médecine.
Nutrition, mode de vie et santé des Premiers Peuples
Pendant un an, elles ont sillonné les routes du Québec à la rencontre d’une vingtaine d’intervenants issus de neuf nations autochtones différentes. Ces derniers leur ont fait part de leur vision, notamment sur la santé des autochtones, les mets traditionnels, la transmission des connaissances, le racisme, l’impact des pensionnats indiens sur l’alimentation et la santé. Chaque capsule, tournée par le vidéaste Canouk Newashish, met ainsi en relief une réalité autochtone en lien avec les domaines de la santé.
« Nalliriik signifie deux égaux de même force, de même taille et de même pouvoir en inuktitut. Ce nom évoque l’importance de traiter les connaissances académiques et autochtones sur un pied d’égalité » – Mélanie Napartuk, Inuk originaire de Puvirnituq au Nunavik, étudiante en nutrition
Destinées aux étudiants et étudiantes du Département de nutrition, les capsules seront diffusées dans plusieurs cours de ce programme, et éventuellement dans ceux d’autres départements de la Faculté de médecine.
Vivianne Landry : sensibiliser les travailleurs de la santé aux enjeux du trafic humain
Le projet CAMSAHT
À la suite d’évènements marquants, une chose est devenue claire dans l’esprit de Vivianne Landry : elle profiterait du « privilège du sarreau blanc » pour travailler à l’amélioration des conditions de santé des survivantes d’agressions sexuelles.
Peu de temps après son entrée dans le programme de médecine, elle a donc épousé la cause de l’Association canadienne des étudiants en médecine contre le trafic humain (CAMSAHT), dont la mission est de développer des outils d’intervention pour les professionnels de la santé. « Jusqu’ici, nous avons réalisé le projet d’intégrer des cours sur le trafic humain dans le curriculum médical de huit universités canadiennes, dont l’Université de Montréal », se réjouit l’étudiante en 3e année et présidente de CAMSAHT.
Le trafic humain est un crime qui se commet à l’intérieur même de nos frontières et qui entraîne des conséquences désastreuses sur la santé physique et psychologique. Or très peu de travailleurs de la santé savent en reconnaître les signes, et la plupart ignorent comment intervenir auprès des victimes. Alors que près du tiers des victimes secourues affirment avoir été en contact avec un professionnel de la santé à un moment ou à un autre de leur captivité, l’éducation des futurs intervenants représente un formidable levier pour combattre ce fléau.
Depuis sa fondation en 2015, CAMSAHT est passée de petite initiative québécoise à organisation pancanadienne réunissant quelque 70 membres de 13 facultés de médecine à travers le pays.
« Lorsqu’une victime de trafic humain accepte de se confier à un professionnel de la santé, il est de son devoir d’intervenir de façon sécuritaire, sensible et appropriée. Cette occasion d’intervention ne doit pas être manquée. » – Vivianne Landry, étudiante en médecine
Prix pour l’engagement social de la Faculté de médecine
Justine Labourot et Léanne Brabant : briser la solitude des personnes âgées
Le Projet Uni.D
Au plus fort de la première vague de la pandémie, Justine Labourot et Léanne Brabant sont allées prêter main forte dans la communauté. La première a apporté du soutien au personnel soignant en zone rouge à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. La seconde a participé à la remobilisation des personnes âgées vivant en résidence, qui avaient subi une détérioration de leurs capacités fonctionnelles en raison du confinement.
En partageant leurs expériences, les deux étudiantes au baccalauréat-maîtrise en ergothérapie ont réalisé l’ampleur de l’isolement social vécu par les aînés. Et elles ont eu envie de remédier à la situation. Avec des collègues, elles ont jeté les bases du Projet Uni.D : une plateforme en ligne qui permet de jumeler des étudiants des domaines de la santé avec des milieux de soins du Québec. « Nous avons sauté à pieds joints dans cette initiative pour résoudre une problématique qui nous paraît aberrante », affirme Justine Labourot.
Inexpérimentées dans le déploiement de projets communautaires d’envergure, elles ont dû faire face à de nombreux défis : recrutement d’étudiants, fonctionnement du projet en période scolaire, mise en place de nouvelles mesures sanitaires… Convaincues du bien-fondé de leur projet, elles ont persévéré : tandis que Léanne établissait des liens avec les établissements, Justine concevait la documentation et organisait l’information pour officialiser les partenariats.
Lancé à l’été 2020, le projet a mobilisé plus de 200 étudiants, issus pour la plupart des programmes d’ergothérapie et de psychologie. Au total, 37 visites ont eu lieu dans neuf établissements. Le projet favorise maintenant le pairage entre des classes du primaire et des résidences pour personnes âgées.
« Les élèves font des bricolages qui sont envoyés à cette clientèle. Ce volet permet à la fois de sensibiliser les jeunes à la problématique de l’isolement social et de mettre de la joie dans la vie des aînés. » – Léanne Brabant, étudiante en ergothérapie
Mélissa Hua et Vida Sieu : outiller la communauté asiatique en matière d’information scientifique et médicale
Le projet AJPAS
Devant l’augmentation des actes à caractère raciste envers la communauté asiatique et le manque de ressources exacerbé par la pandémie, l’étudiante en médecine Mélissa Hua et l’étudiante en ergothérapie Vida Sieu ont décidé de passer à l’action. Toutes deux issues d’une famille immigrante, elles ont créé l’Association des jeunes professionnels asiatiques de la santé (AJPAS). Le but du regroupement : outiller les professionnels de la santé pour optimiser leur prise en charge de la clientèle asiatique, et favoriser l’accès à l’information scientifique et médicale auprès de la communauté asiatique de la grande région de Montréal.
« La barrière de la langue et la désinformation affectent beaucoup cette population. Il est important que tous puissent avoir accès aux ressources en santé. » – Mélissa Hua, étudiante en médecine
« Les personnes asiatiques unilingues ne bénéficient pas de la même qualité de service que les gens originaires d’ici. Les personnes des minorités visibles ont leur propre vécu qu’elles racontent plus facilement à quelqu’un qui leur ressemble », ajoute Vida.
Un guide recensant les informations sur la COVID-19 et les ressources disponibles à Montréal, traduit en chinois et en vietnamien, a d’abord été distribué dans différents établissements. L’équipe s’est ensuite concentrée sur la production d’un registre des professionnels de la santé parlant une langue asiatique. « On reçoit beaucoup de demandes pour des consultations en psychologie. Comme les besoins sont grands, nous avons mis sur pied des conférences sur la santé mentale afin de briser les tabous. » Un projet de capsules vidéo sur le sujet, sous-titrées en vietnamien, est aussi en cours.
Angela Nauleau-Javaudin : fabriquer des visières pour protéger les travailleurs de première ligne
Le projet Collaboration3D
En mars 2020, alors que la pénurie de masques et de visières sévissait dans les hôpitaux, une solution s’est imposée à des ingénieurs français : fabriquer des visières réutilisables grâce à l’impression 3D afin de protéger les travailleurs de première ligne.
Familière avec cette technologie, l’étudiante en médecine Angela Nauleau-Javaudin a contacté les initiateurs du projet pour implanter l’idée au Québec. Avec des amis ferrés en robotique, l’étudiante en médecine s’est alors lancée dans la fabrication de prototypes. Grâce à une campagne de dons organisée de concert avec la Fondation de l’Hôpital Sacré-Cœur et l’aide d’autres partenaires, elle a pu faire l’acquisition de plusieurs imprimantes 3D et de matériel pour la conception des visières. Une cinquantaine de bénévoles se sont en outre joints à sa petite équipe pour monter les dispositifs de protection.
Le projet a eu des échos jusque dans les régions éloignées. Au total, plus de 6 100 visières réutilisables ont été distribuées gratuitement dans les hôpitaux.
« Nous fournissions aux entreprises intéressées le protocole et le fichier à imprimer en 3D pour leur permettre de reproduire le projet à partir de chez eux. » – Angela Nauleau-Javaudin, étudiante en médecine
Angela développe actuellement un autre projet 3D, soit des tables jardinières constituées d’un bac à plantes, d’un système de drainage et d’un support en aluminium à hauteur de fauteuil roulant pour permettre aux personnes aînées des CHSLD de cultiver des plantes à l’année.
Wolf Bob Emerson Thyma : favoriser la représentation des communautés noires en médecine
Projet SEUR, CEDI et conférences
Alors qu’il entamait ses études à la Faculté de médecine, Wolf Thyma a posé un constat sans équivoque : sur plus de 250 personnes au sein de sa promotion, seules trois sont noires. « Selon les données de Statistiques Canada (2016), les personnes noires représentent environ 10 % de la population montréalaise et 8,4 % des jeunes de 15 à 24 ans. Si l’on se fie à ces chiffres, il devrait y avoir en moyenne 20 étudiants par cohorte », estime-t-il.
Pour remédier à la situation, il s’est joint à l’aile jeunesse de l’Association médicale des personnes noires du Québec (AMPNQ) et a pris part à différentes initiatives. Il s’est impliqué notamment dans le programme de mentorat du Projet SEUR (Sensibilisation aux études, à l’université et à la recherche) pour offrir aux jeunes noirs issus des milieux défavorisés des modèles de réussite dans les différents domaines de la santé et de la recherche de l’UdeM.
Par ailleurs, à titre de représentant étudiant au Comité équité et diversité (CEDI) du vice-décanat de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, il a mis en lumière les différentes barrières qui freinent les jeunes de la communauté noire dans le processus d’admission. Depuis, certains paramètres ont été modifiés.
Enfin, au cours des derniers mois, il a prononcé plusieurs conférences sur la sous-représentation des étudiants noirs en médecine et proposé différents leviers pour favoriser leur accès aux études supérieures en santé.
« Cette question de sous-représentation me préoccupe énormément. Néanmoins, j’ai bon espoir que les projets auxquels j’ai pris part contribueront à changer la donne. » – Wolf Thyma, étudiant en médecine
Par Mylène Tremblay