Le raisonnement clinique longitudinal, ça s’apprend!

Le raisonnement clinique est au cœur de l’exercice médical et intervient chaque fois qu’il y a un problème à résoudre. Or trop peu de médecins parviennent à expliquer leur raisonnement dans le cadre du suivi de patients souffrant de multimorbidités, et plusieurs peinent à superviser leurs étudiants dans ce contexte, estime Marie-Claude Audétat Voirol.

Marie-Claude Audétat Voirol, diplômée de la Faculté de médecine et de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM, a pris la parole à titre de conférencière invitée, le 18 mai, lors de la 3e Journée scientifique du Centre de pédagogie appliquée aux sciences de la santé (CPASS). La responsable de la formation et de la recherche de l’Unité de développement et de recherche en éducation médicale de l’Université de Genève (UNIGE) nous a accordé un entretien autour de cet enjeu.

Pourquoi le raisonnement clinique est-il plus complexe en cas de comorbidités?

Dans les pays occidentaux aux populations vieillissantes, plusieurs maladies surviennent avec l’âge. Il n’est pas rare que les aînés présentent à la fois du diabète, de l’hypertension et de l’obésité. Le médecin va suivre son patient dans l’objectif de maintenir sa qualité de vie ; il devra établir des priorités de soin et faire des choix dans la prescription de médicaments. Ce même patient sera souvent suivi par d’autres travailleurs de la santé et des services sociaux. L’information sur le diagnostic et les traitements devra être partagée. Or, quand on demande aux soignants pourquoi ils ont pris telle ou telle décision, certains nous répondent qu’ils bricolent, parce qu’ils ne peuvent suivre les directives à la lettre. En fait, jusqu’à peu, le raisonnement clinique était très peu enseigné.

Or, selon vous, le raisonnement clinique n’est pas implicite…

La recherche nous apprend que si les soignants ne savent pas comment ils sont arrivés à tel diagnostic, telle prescription ou tel suivi, s’ils ne respectent pas les étapes, il y a risque d’erreur. Par exemple, un clinicien qui se concentre sur une seule hypothèse clinique et privilégie les informations qui la renforcent. Pour éviter cet écueil, le patient doit être placé au centre du soin et appréhendé dans toute sa complexité. On doit prendre le temps de l’écouter de même que ses proches et les autres professionnels de la santé.

À quel moment le raisonnement clinique doit-il être enseigné?

De plus en plus de facultés de médecine – dont l’Université de Montréal – l’enseignent en début de formation, notamment en faisant travailler les étudiants en équipes multidisciplinaires composées d’infirmières, de pharmaciens, de physiothérapeutes, etc. Tous sont encouragés à expliciter leurs processus de raisonnement. Des formations portent aussi sur la supervision du raisonnement clinique. Le Collège des médecins du Québec y veille particulièrement. Le fait qu’on nous ait invitées, la doctorante Julia Sader et moi, à parler du raisonnement clinique lors du suivi des patients atteints de maladies chroniques démontre une certaine prise de conscience de l’importance de bien en comprendre les tenants et les aboutissants.

Hélène Roulot-Ganzmann

 

Articles reliés