Après 40 ans d’avancées médicales et de lutte contre le sida, les scientifiques n’ont toujours pas réussi à mettre au point un vaccin contre le VIH. Le point avec les Dres Isabelle Boucoiran et Fatima Kakkar.
Alors que la 24e Conférence internationale sur le sida bat son plein au Palais des congrès de Montréal, des scientifiques du monde entier élaborent de nouvelles pistes de solutions pour lutter contre l’infection.
Pour la Dre Isabelle Boucoiran, professeure agrégée de clinique au Centre d’infectiologie mère-enfant du CHU Sainte-Justine et professeure adjointe de clinique au Département d’obstétrique-gynécologie de l’Université de Montréal, même si la guerre n’est pas gagnée, des batailles ont tout de même été remportées.
Le nombre de décès liés au sida est passé du sommet de 2 millions de personnes atteintes en 2006 à 650 000 en 2021. Source : ONUSIDA
Traitement antirétroviral : indétectable = intransmissible
L’une de ces batailles consiste en la mise au point du traitement antirétroviral. «L’initiation précoce de ce traitement améliore l’état de santé général et prévient la transmission sexuelle du VIH. Il est ainsi possible pour les couples sérodifférents d’avoir des relations sexuelles non protégées et de donner naissance à des nouveau-nés en santé », dit la Dre Boucoiran. Elle précise du même souffle que les traitements sont aujourd’hui moins toxiques et débutent plus rapidement avec des antirétroviraux coformulés. « L’injection mensuelle au lieu d’une prise journalière des médicaments est beaucoup plus avantageuse », ajoute-t-elle.
Les traitements pour enfants se sont aussi beaucoup développés : aujourd’hui, un seul comprimé équivaut à trois médicaments. Et les jeunes âgés de moins de 6 ans ont maintenant accès à des antiviraux en sirop.
« De façon générale, les traitements sont mieux tolérés et permettent de traiter le VIH comme une maladie chronique. L’augmentation de l’espérance de vie et une meilleure qualité de vie des malades constituent des avancées encourageantes de la médecine contre cette pandémie. Aujourd’hui, il est possible de mieux vieillir avec le VIH », confirme la Dre Fatima Kakkar, pédiatre infectiologue et cheffe adjointe de l’axe de recherche des maladies infectieuses et soins aigus au CHU de Sainte-Justine.
En 2021, les jeunes représentaient plus du quart des nouvelles infections par le VIH dans le monde, et 82 % des adolescentes et des jeunes femmes nouvellement infectées par le VIH vivaient en Afrique subsaharienne. Source : ONUSIDA
En 2022, on compte 160 000 nouvelles infections chez les enfants de 0 à 14 ans, et seule la moitié des enfants vivant avec le VIH ont accès à des traitements. Source : ONUSIDA
Des avancées pour les femmes enceintes
Ces 10 dernières années, la prise en charge des femmes enceintes séropositives s’est aussi grandement améliorée. Plusieurs essais cliniques randomisés menés en Afrique ont démontré une transmission réduite du VIH par le lait maternel lorsque les mères allaitantes reçoivent une combinaison d’antirétroviraux dans la période postnatale.
N’empêche. Ces victoires ne doivent pas faire oublier les nombreux défis auxquels font toujours face les personnes atteintes, comme la stigmatisation de la maladie, fait remarquer la Dre Kakkar. « Les gens ont encore en tête la grave maladie du sida des années 1990. Les personnes séropositives sont des citoyens et des citoyennes à part entière. Elles ont droit à des programmes de prévention, à des services de santé physique et mentale et à des traitements gratuits. Il faut poursuivre la bataille », conclut-elle.
Par Déborah St-Victor