Des initiatives novatrices pour un système de santé plus vert

Les établissements de soins de santé, conçus pour sauver des vies, émettent plus de gaz à effet de serre (GES) que le transport aérien domestique au Canada. Comment offrir des soins sans nuire au milieu de vie ? 

Telle est la question qui était au centre du Colloque pour un réseau de la santé durable, organisé par Médecins francophones du Canada en partenariat avec le Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine de l’UdeM. Voici des extraits de conférence de trois membres de la communauté facultaire qui esquissent des pistes de solution vers la carboneutralité.

Dre Claudel Pétrin-Desjardins : choisir avec soin pour le patient et pour l’environnement

Alors que la demande en soins de santé ne cesse de croître et que le personnel médical est confronté à de nombreux défis, la Dre Claudel Pétrin-Desjardins s’inspire du service de santé britannique National Health Service (NHS), une référence mondiale en matière de diminution de l’empreinte environnementale.

Le NHS est le premier service de santé public à viser la carboneutralité d’ici 2040. Pour établir ses objectifs prioritaires, l’organisation a cartographié les sources de GES qui émanent des hôpitaux .

Dre Claudel Pétrin-Desjardins, chargée d’enseignement clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence et médecin de famille au CLSC de Hochelaga-Maisonneuve.

Au premier rang des pollueurs se trouvent ainsi les médicaments, les dispositifs et autres équipements médicaux (62 % de l’empreinte du réseau). Les déplacements du personnel de la santé et des patients représentent environ 10 %, et les gaz anesthésiants et inhalateurs, environ 5 %.

Pour amorcer un virage vert, la présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) préconise les actions suivantes :

  • réduire la demande en soins de santé (miser sur la promotion de la santé, la prévention et la saine gestion des maladies chroniques) ; 
  • choisir les soins adéquats (réduire les examens et les traitements inutiles en santé en encourageant une discussion partagée basée sur des données probantes) ;
  • opter pour une prescription faible en carbone (utiliser la plus petite dose efficace pour la plus petite période de temps nécessaire ; utiliser les méthodes alternatives comme la psychothérapie, les prescriptions sociales et l’intervention par la nature) ;
  • intégrer la technologie à bon escient (miser sur des infrastructures vertes, des transports décarbonisés, des soins virtuels au besoin).

    « Il faut cesser de vouloir dépister à tout prix des anomalies, insiste la médecin de famille. Chaque test a un coût. Souvent, ce n’est pas parce qu’on identifie le problème avec une imagerie que ça va changer notre intervention. À mon sens, le meilleur médicament pour l’environnement et le patient, c’est celui qu’on ne prescrit pas. »

    Dr Stephan Williams : crise climatique, santé et CHUM carboneutre

    Parce que la crise climatique est la plus grande menace à la santé du XXIe siècle, le CHUM est entré dans la course à la carboneutralité en souhaitant l’atteindre avant 2040, sans compromis pour la qualité des soins aux patients.

    On soigne tout en polluant, c’est un paradoxe qu’on veut résoudre. Au CHUM, l’objectif de carboneutralité vient structurer et quantifier nos efforts de développement durable

    Dr Stephan Williams, professeur adjoint de clinique au Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur et co-gestionnaire médical carboneutralité et développement durable au CHUM.

    Comment l’établissement du centre-ville de Montréal compte-t-il s’y prendre ? D’abord, en mettant sur pied un comité stratégique et en intégrant la carboneutralité dans sa mission et sa culture d’amélioration des soins. Puis en mesurant ses émissions de GES, en les réduisant le plus possible et en compensant les émissions résiduelles.

    Un obstacle de taille demeure toutefois : l’hôpital n’a pas été conçu pour être carboneutre, et les soignants ne sont pas formés pour considérer les émissions de GES dans leurs décisions. « On dépend beaucoup des équipements et des services, et on manque de données pour calculer les GES », remarque l’anesthésiologiste.

    Parmi les « gestes payants » pour réduire ses émissions, le CHUM prévoit :

    • s’éloigner des énergies fossiles pour le chauffage, le transport, etc. ;
    • limiter les gaz anesthésiques, les aérosols doseurs et certains aliments ;
    • passer des produits à usage unique à ceux réutilisables ;
    • minimiser les matières résiduelles (recyclage, compostage).

      « Il faut commencer à intégrer la crise climatique dans chacun de nos gestes. La transformation est nécessaire pour l’ensemble du système de santé, pas seulement le CHUM. Sans carboneutralité, on ne peut se développer durablement », conclut le Dr Williams.

      Nicolas Stifani : approches durables en recherche fondamentale

      En cette Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable, les chercheuses et chercheurs se creusent les méninges pour savoir si leurs activités de recherche ont un impact négatif sur l’environnement.

      Historiquement, la recherche fondamentale a toujours été très éloignée du développement durable. La raison est simple : les expériences scientifiques nécessitent des équipements de pointe, des systèmes biologiques, des gaz rares, de l’énergie. Rien de très écologique.

      Nicolas Stifani, coordonnateur principal en microscopie au vice-décanat à la recherche et au développement.

      Mais les choses évoluent, comme en témoignent ces trois exemples d’initiatives durables.

      Registre des infrastructures et des équipements (RIÉ) de l’UdeM

      Mené par le Centre d’expertise numérique de l’UdeM, cet inventaire en ligne des équipements et des services, qui sera disponible d’ici la fin 2022, permettra :

      • l’optimisation et la mutualisation des ressources – un appareil rare et coûteux pourra être utilisé par plusieurs personnes ;
      • la validation des besoins en nouveaux équipements, ce qui favorise l’économie circulaire ;
      • le partage d’équipements, mais aussi des connaissances, auprès d’une communauté connectée.

      Création d’un schéma représentant le cycle de vie d’un instrument à la Faculté de médecine de l’UdeM

      « Cet outil nous permet d’anticiper la fin de vie des instruments, de voir s’il existe des technologies plus récentes, ou encore de modifier un équipement pour rallonger sa durée de vie », explique Nicolas Stifani. Le coordonnateur principal en microscopie a recours à l’Option de réutilisation des équipements de laboratoire (OREL), le « Marketplace des instruments de laboratoires » pour donner une nouvelle vie aux instruments désuets. « Le développement durable dans le réseau de la santé, c’est l’affaire de tous en tant que communauté », estime-t-il.

      Mise sur pied d’un comité de développement durable à l’IRCM

      Le Green Lab de l’Institut de Recherche clinique de Montréal s’est donné le mandat d’identifier et de promouvoir des stratégies pour réduire l’empreinte environnementale de la recherche en effectuant une meilleure gestion des déchets et en diminuant le consommable des laboratoires.

      Construire l’avenir durablement (CLAD)

      Ce lieu unique favorise des rencontres multidisciplinaires entre les membres de la communauté universitaire et ses partenaires pour discuter des grands enjeux de durabilité et co-construire des projets innovants en recherche et formation.

      Lire l’article Pour une culture écoengagée de la recherche

      Mylène Tremblay

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