L’IA pourrait permettre d’améliorer la prévention, les diagnostics et les soins dans les différentes disciplines de la santé, y compris en psychiatrie et en santé mentale.
L’intelligence artificielle (IA) est déjà présente à différents degrés dans nos réseaux de la santé. Elle pourrait notamment permettre aux psychiatres et aux intervenants en santé mentale de personnaliser les soins et les thérapies.
Des travaux prometteurs en psychiatrie et en santé mentale
Il y a un an, la revue Proceedings of the National Academy of Sciences publiait un article faisant état d’un nouveau modèle informatique du cerveau humain qui vise à mieux comprendre la façon dont les capacités cognitives complexes, notamment la conscience, se développent.
Ce modèle a été mis au point par Guillaume Dumas, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine de l’UdeM. Possédant une formation transdisciplinaire qui combine la physique fondamentale, l’ingénierie des systèmes et les sciences cognitives, Guillaume Dumas oriente depuis plus d’une décennie ses travaux de recherche sur la dimension sociale du cerveau humain.
Grâce à l’hyperscanning – un outil qu’il a créé et qui permet d’enregistrer simultanément l’activité cérébrale de plusieurs personnes –, il démontre en 2010 que, dans les interactions sociales, les cerveaux se mettent littéralement sur la même longueur d’onde, se synchronisant en quelque sorte!
À partir de cette découverte, il réalise en 2012 les premières simulations neuro-informatiques de deux cerveaux en interaction, prouvant que la similarité anatomique explique en partie ces synchronisations intercérébrales. À l’inverse, une trop grande dissemblance pourrait donc conduire à des difficultés à se synchroniser avec les autres.
Puis, en s’appuyant sur la théorie des systèmes dynamiques, il introduit en 2014 un nouveau paradigme d’interaction humain-machine où l’utilisateur humain interagit avec un avatar bio-inspiré en temps réel.
«Ce paradigme m’a permis de découvrir comment un réseau neuronal, qui intègre les informations de son propre comportement et de celui des autres, relie aussi les dimensions sensorimotrice et représentationnelle de la cognition sociale au cours d’une interaction en temps réel», ajoute celui qui dirige le laboratoire de psychiatrie de précision et de physiologie sociale au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.
Dans ses travaux alliant la psychiatrie informatique, la médecine de précision et l’intelligence artificielle neuro-inspirée (Neuro-AI), Guillaume Dumas travaille à mettre au point une approche plus personnalisée et prédictive en psychiatrie et en santé mentale.
«Par exemple en psychiatrie, l’adaptation aux patients se fait, pour l’instant, au cas par cas par le médecin traitant. Avec une psychiatrie de précision, on s’appuiera sur des marqueurs objectifs qui guideront la prise de décision clinique des psychiatres et autres intervenants en santé mentale», mentionne-t-il.
Vers une «conscience artificielle»?
Le modèle neuro-informatique du cerveau humain élaboré par Guillaume Dumas s’inscrit dans cette volonté de mieux intégrer les données en vue de la prise de décision clinique en proposant un «jumeau numérique» du cerveau des patients. Mais son modèle s’inscrit également dans la convergence de la neuroscience et de l’intelligence artificielle en mettant en évidence les mécanismes biologiques et les architectures cognitives qui peuvent alimenter le développement de la prochaine intelligence artificielle, voire conduire à une «conscience artificielle».
«Pour atteindre cette étape, il faudrait intégrer la dimension sociale de la cognition humaine et nos prochains travaux viseront cette intégration, précise le chercheur. À cet égard, nous avons réalisé la première simulation biophysique de deux cerveaux en interaction et cet arrimage permet déjà d’approfondir notre compréhension des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la cognition humaine et ses troubles, notamment l’autisme.»