Un monde où la santé est réellement un droit : entrevue avec Marie-Ève Goyer, récipiendaire du Prix engagement social 2015
Cette année, le Prix engagement social de la Faculté de médecine catégorie personnel enseignant a été remis à Marie-Ève Goyer, professeure adjointe de clinique au Département de médecine de famille et médecine d’urgence, pour son implication dans l’organisme Médecins du monde Canada – volet Projet Montréal.
Dre Goyer travaille bénévolement dans le centre-ville de Montréal auprès d’une clientèle que le système de santé ne parvient malheureusement pas toujours à rejoindre tels les jeunes de la rue, les travailleurs du sexe, les utilisateurs de drogues injectables, les autochtones, les immigrants, les sans-abri et les personnes atteintes de problèmes de santé mentale.
FM : Qu’est-ce qui vous a amené à vous impliquer auprès de ces clientèles?
M-È G : Très tôt dans ma formation médicale, j’ai remarqué que le système ne parvenait pas à rejoindre tout un pan de la population. Plusieurs personnes sont encore exclues et n’ont pas accès à des soins de qualité au même titre que monsieur et madame Tout-le-Monde pour tout un tas de raisons. Consciente de cette injustice, j’ai voulu non seulement travailler auprès de cette clientèle, mais aussi donner bénévolement de mon temps pour un principe auquel je crois plus que tout : le droit à la santé pour tous.
FM : De quelle façon réussissez-vous à rejoindre ces clientèles vulnérables?
M-È G : Il faut aller là où le système ne va malheureusement pas encore. Les infirmières de proximité et les médecins bénévoles de Médecins du Monde travaillent en partenariat avec les travailleurs de rue et les intervenants des organismes communautaires. Ils rejoignent les personnes en difficultés là où elles sont : dans la rue, certains appartements, dans les bars de danseuses/danseurs du centre-ville et dans les cliniques mobiles.
FM : Pourquoi, selon vous, ces clientèles n’ont pas accès aux soins?
M-È G : La réponse à cette question est complexe, mais il s’agit très souvent de personnes qui sont en situation de survie, pour qui des enjeux comme le logement, la santé mentale ou la consommation font en sorte que l’accès au réseau de la santé dans toute sa complexité est non seulement un défi de taille, mais n’est pas toujours la priorité. Avec Médecins du monde, nous avons la flexibilité de nous déplacer, d’aller vers les gens et de nous ajuster rapidement aux besoins changeants de nos clientèles. Nous mettons aussi en lumière les besoins sur le terrain. Ces besoins ne sont malheureusement pas toujours bien compris par le système qui est souvent mal outillé ou qui ne dispose pas de la souplesse pour y répondre.
Nous travaillons aussi à sensibiliser le réseau de la santé aux besoins de ces clientèles qui ont de la difficulté à les exprimer où à se prémunir des soins disponibles. En ce moment, nous effectuons un travail que le système ne parvient pas toujours à faire, mais ultimement, notre souhait serait que notre organisme n’ait plus sa raison d’être….mais pour l’instant nous en sommes encore loin.
Il y a plein de gens de bonne volonté qui ont un réel désir d’aider et il y a beaucoup d’étudiants intéressés par ces problématiques, mais nous sommes réellement peu exposés à ce genre de problématiques durant notre cursus médical et il y a encore beaucoup de sensibilisation et d’éducation à faire.
FM : Quel message aimeriez-vous passer à la communauté facultaire?
M-È G : Je tiens tout d’abord à remercier la faculté qui nous a toujours beaucoup aidés dans nos initiatives comme la mise en place du cours obligatoire à l’externat « Inégalités de santé et rôle social du médecin » dont je suis la responsable universitaire et l’instigatrice. Merci également pour la visibilité que nous offre ce prix et pour la bourse qui l’accompagne.
Pour ce qui est du message, je pense qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour combattre les préjugés et j’invite mes collègues, mais aussi l’ensemble de la population à faire ce petit pas de plus vers une plus grande acceptation des marginaux et un accès à de meilleurs soins pour tous.
Pour des labos moins polluants : entrevue avec Jacqueline Kowarzyk, co-récipiendaire du Prix engagement social, catégorie personnel administratif et de soutien
Cette année, le Prix engagement social de la Faculté de médecine catégorie personnel administratif et de soutien a été remis à Jacqueline Kowarzyk, agente de recherche au Département de biochimie et médecine moléculaire, et à Olivier Leogane, conseiller en matières dangereuses à la Direction de la prévention et de la sécurité de l’UdeM, pour la mise en place du projet Mon Écolabo à l’UdeM.
Mon Écolabo propose des outils simples, clairs et stimulants pour une gestion écoresponsable des laboratoires scientifiques sans compromettre leurs activités normales. Il repose sur une certification interne de quatre niveaux. Il s’agit d’une démarche intégrée unique au Québec dans la gestion écoresponsable des laboratoires.
FM : D’où vous vient ce désir de protéger l’environnement?
JK : J’ai grandi au Mexique près d’une rivière vraiment polluée et je trouvais vraiment dommage de constater à quel point l’on pouvait avoir un effet négatif sur notre environnement. Plus tard, arrivée au Canada, alors que je faisais ma maîtrise en biologie, je remarquais que la recherche en laboratoire engendrait énormément de pollution et je trouvais hautement paradoxal qu’on pollue autant pour faire de la recherche dans les domaines liés à l’environnement ou à la santé. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à vouloir mettre sur pied des initiatives pour rendre les activités en laboratoire moins polluantes.
Parallèlement à mes initiatives, Olivier travaillait aussi de son côté sur des initiatives de récupération des produits de laboratoire et c’est Stéphane Béranger, coordonnateur au développement durable de l’UdeM, qui nous a suggéré d’unir nos efforts et c’est ainsi qu’est né Mon Écolabo.
FM : Quels sont les avantages du projet?
JK : Notre santé est directement liée à l’environnement. L’exposition à des substances dangereuses, la pollution de l’eau, l’accumulation des déchets incinérés et enfouis peuvent avoir un impact sur notre santé à court et à long terme. Le programme Mon Écolabo améliore la qualité de vie de la communauté en préservant l’environnement, en diminuant les déchets et en réduisant la consommation de ressources dans les laboratoires.
Le projet a aussi une mission éducative, car il vise à sensibiliser la communauté à la problématique environnementale des laboratoires, et ce dès le secondaire. En effet, le programme est gratuit et très facilement transférable dans d’autres universités, mais aussi dans des cégeps, écoles secondaires, hôpitaux, etc.
Aussi, afin d’adhérer au programme Mon Écolabo, certaines conditions concernant la gestion des laboratoires sont nécessaires. Les laboratoires doivent effectuer des achats intelligents centralisés et avoir un inventaire à jour. Mon Écolabo peut ainsi optimiser l’organisation du laboratoire et stimuler le travail en équipe. Finalement, le programme Mon Écolabo agit positivement sur la qualité de vie en créant un réseau social dans lequel les écoleaders peuvent réseauter.
Que souhaitez-vous pour l’avenir d’Écolabo?
JK : Notre but est d’inciter le plus de laboratoires possible à participer et d’encourager ceux qui ont déjà la certification à poursuivre leurs efforts et à monter de niveau de certification. Nous avons déjà une excellente collaboration avec la Faculté de médecine vétérinaire et nous travaillons avec plusieurs départements de la Faculté de médecine qui sont très intéressés par le projet, dont notamment le département de biochimie et médecine moléculaire. Le Département de chimie de la FAS est aussi intéressé.
Nous voulons également lancer un appel aux laboratoires d’enseignement pour qu’ils participent au projet afin de sensibiliser les futurs chercheurs le plus tôt possible dans leur carrière et avoir ainsi le plus d’impact possible.