Les Chroniques Exlibris – La médecine de la Renaissance dans la bibliothèque du Dr Léo Pariseau

Moment charnière de l’histoire occidentale, la période de la Renaissance voit émerger plusieurs grandes œuvres scientifiques qui vont marquer durablement l’histoire de la médecine et dont le docteur Léo Pariseau s’est évidemment assuré d’une belle représentativité au sein de sa remarquable bibliothèque.

Une constellation de figures marquantes

Après avoir couvert la médecine de l’Antiquité et, de façon plus modeste, celle de l’époque médiévale avec des figures comme Paul d’Égine (625-790), Avicenne (980-1037) et Guy de Chauliac (1298-1368), le docteur Pariseau s’est résolument attaché à recueillir la fine fleur des œuvres médicales de la Renaissance. Sur les rayons de sa bibliothèque, vous découvrirez d’abord plusieurs éditions des aphorismes de la fameuse École de Salerne. Cette école de médecine italienne fondée au IXe siècle jouit toujours à la Renaissance d’une grande renommée et ses conseils sur l’art de conserver la santé sont célèbres.

Es-tu sans médecin? En voici trois : repos, gaîté et repas modeste. Obéis à leurs lois.

– Aphorisme de l’École de Salerne

Vous y trouverez également la Universa Medicina, édition 1593, de Jean Fernel (1497-1558) que Pariseau qualifiait de « l’un des enfants les plus illustres de la Renaissance »; les Opera Omnia, 1658, de Paracelse (1493-1541), médecin innovateur à l’esprit rebelle qui cherche à s’éloigner de Galien et de l’orthodoxie médicale du temps;  les Operum, 1591, de Jérôme Fracastor (1478-1553), médecin réputé pour ses travaux sur la syphilis et la propagation des maladies infectieuses; L’Arcenal de chirurgie de Jean Scultet (1595-1645), richement illustré d’instruments chirurgicaux; le De Motus Cordi, 1669, de William Harvey (1578-1657), le découvreur de la circulation du sang, ainsi que les Œuvres chirurgicales de Fabrice D’Acquapendente (1537-1619), grand anatomiste et chirurgien qui fut le maître de William Harvey. Enfin, mentionnons La dissection des parties du corps humain divisée en trois livres, 1546, par Charles Estienne. Ce médecin, issu de la grande famille des imprimeurs du même nom et docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, sera à l’origine de plusieurs découvertes anatomiques. Prêt à sortir des presses dès 1539, ce bel ouvrage d’anatomie ne verra le jour qu’en 1545, dans son édition latine, soit 2 ans après la publication de la plus célèbre des anatomies, celle d’André Vésale.

Vésale, père de l’anatomie moderne

Vésale. De humani corporis fabrica, 1604.

Considéré comme le véritable père de l’anatomie moderne avec la publication en 1543 de De humani corporis fabrica (La fabrique du corps humain) – la même année que le Revolutionibus de Copernic – le médecin flamand André Vésale (1514-1564) a marqué pour toujours l’histoire de l’anatomie. Véritable humaniste maîtrisant le latin, le grec et l’arabe, Vésale fera ses études à Paris sous l’égide de Jean Fernel, enseignera ensuite à l’Université de Padoue, puis  terminera sa carrière comme médecin de l’empereur Charles Quint. En étudiant des corps tirés de cimetières ou de pendus exposés au gibet et en procédant à la dissection de nombreux corps humain, Vésale a ainsi de manière empirique corrigé des centaines d’erreurs anatomiques issues de la médecine galénique et laissé à la postérité une œuvre majeure.

Rien n’arrête cet enfant que le génie inspire; le cimetière des Innocents et le gibet de Montfaucon le voient souvent disputant aux corbeaux leur proie déjà corrompue. Je le répète. Vésale ira loin.

– Guinter D’Andernach, Paris, 1534

L’édition originale étant rare et hors de prix, le docteur Pariseau s’est d’abord procuré quelques planches anatomiques et un portrait de Vésale détaché de l’édition de 1543. Vous pouvez cependant consulter l’ensemble des illustrations d’origine, car elles ont été reprises dans une édition allemande de 1783 qui se trouve heureusement dans la Bibliothèque Léo-Pariseau. Les bois gravés originaux pour les illustrations ont d’ailleurs été réutilisés à quelques reprises au fil du temps dans divers ouvrages, car ils ont survécu jusqu’au début du XXe siècle! Malheureusement, ils ont disparu pour toujours lorsque l’université de Munich, qui les conservait, a été bombardée en juillet 1944. Parmi les autres titres importants, vous trouverez aussi l’édition posthume de 1604, qui est en fait une réimpression de l’édition de 1568 révisée par Vésale lui-même, avec des illustrations simplifiées.

Ambroise Paré, père de la chirurgie moderne

Les Oeuvres d’Ambroise Paré, 1607.

Enfin, la bibliothèque du docteur Pariseau conserve bien sûr quelques titres du chirurgien Ambroise Paré (1510-1590), considéré par plusieurs comme le rénovateur ou le père de la chirurgie moderne. Simple chirurgien-barbier qui s’est progressivement élevé aux plus hauts rangs en devenant le chirurgien personnel de quatre rois de France, Paré est une figure incontournable de la médecine de la Renaissance. Si on lui doit d’avoir introduit la ligature pour remplacer la cautérisation au fer chaud, l’invention de nouvelles prothèses et instruments chirurgicaux, et même d’avoir amélioré l’anatomie de Vésale à certains égards, c’est aussi grâce à sa conception exigeante et pratique de son métier qu’il a été reconnu. Ambroise Paré est ainsi le premier à publier l’ensemble de son œuvre en français pour qu’elle soit la plus accessible possible à ses confrères, au grand dam de la Faculté de médecine de Paris qui ne jurait que par le latin. On lui doit aussi d’avoir réfuté courageusement le pouvoir thérapeutique de médicaments alors très populaires faits à base de… corne de licorne ou de poudre de momie. Trois éditions des Œuvres de Paré sont disponibles dans la collection du docteur Pariseau, soit celles de 1585, 1594 et 1607.

Et quant à moy, je crois que c’est une imposture de vendre tant de corne de licorne, une bête qui n’a encore jamais été découverte.

– Ambroise Paré, 1582

En 1559, Ambroise Paré et André Vésale furent appelés à se côtoyer lors d’un événement important : la mort du roi de France Henri II. Blessé mortellement lors d’un tournoi en recevant une lance dans l’œil – la légende veut que Nostradamus ait prédit l’accident – le roi mourra après 10 jours de souffrance non sans avoir fait appel aux plus grands médecins de l’époque. Paré tentera de soigner le roi et Vésale assistera à l’autopsie. Une superbe gravure originale contemporaine du 16e siècle acquise par le docteur Pariseau nous rappelle l’événement.

La chronique du mois de mai poursuivra l’exploration de la Bibliothèque Léo-Pariseau en découvrant des œuvres et des figures importantes de l’Époque moderne, principalement des XVIIe et XVIIIe siècles.

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Rédaction : Normand Trudel, bibliothécaire patrimonial
Photos : Julie Martel

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