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Les Chroniques Exlibris – La médecine de l’époque moderne dans la bibliothèque du Dr Léo Pariseau

À la fois bibliothèque de médecine et d’histoire des sciences, la collection du Dr Léo Pariseau renferme une panoplie d’ouvrages de science dans de nombreux domaines ayant, de près ou de loin, contribué à forger, soutenir et alimenter le développement de la pensée scientifique, fondation de la médecine d’aujourd’hui.

Le siècle de la Raison

Période phare dans l’histoire de l’avancement des sciences, le 17e siècle entreprend d’expliquer le monde à partir de la raison, des mathématiques et de l’expérience. Parmi les grandes figures savantes de ce Grand Siècle présentes sur les rayons de la Bibliothèque Léo-Pariseau, vous trouverez d’abord Galilée (1564-1642) et son célèbre Dialogue sur les deux systèmes du monde, édition lyonnaise de 1641. Vous pourrez aussi consulter des titres du mathématicien, physicien et philosophe que fut Blaise Pascal (1623-1662), plusieurs ouvrages de René Descartes (1596-1650), ce héros du libre examen, ainsi qu’un Traité d’optique d’Isaac Newton (1643-1727), en édition française de 1722. Le champ de l’optique nous rappelle d’ailleurs toute l’importance qu’a eue l’invention du microscope en médecine en mettant au jour la réalité des cellules, virus et bactéries. Aussi n’est-il pas surprenant de retrouver sur les tablettes le classique Micrographia restaurata, édition 1745, du célèbre Robert Hooke (1635-1703), un des plus grands savants multidisciplinaires de son temps, qui a amélioré le microscope et fait la première description d’une cellule biologique. Antoine de Leeuwenhoek (1632-1723) et Marcello Malpighi (1628-1694) sont deux autres figures majeures liées à cet instrument dont vous pourrez consulter les ouvrages. Le premier est l’un des précurseurs de la biologie cellulaire et de la microbiologie par sa découverte de l’existence des bactéries et des spermatozoïdes, alors que le second est considéré comme le fondateur de l’histologie, soit l’anatomie microscopique. Ce dernier a d’ailleurs laissé son nom à maintes structures du corps humain bien connues des médecins.

Enfin, dans le domaine de la chimie et de la pharmacie, il faut mentionner le réputé Nicolas Lémery (1645-1715), dit le « magicien de la rue Galande », qui publie à cette époque plusieurs titres qui seront de très grands succès de librairie, dont le Cours de chymie de 1675, la Pharmacopée universelle de 1697 et le Traité universel des drogues simples de 1698. Vulgarisateur de talent, souhaitant partager les secrets de la chimie aux profanes, l’apothicaire Lémery fait des démonstrations publiques dans son atelier de la rue Galande qui sont si spectaculaires que toute la ville y accoure, toutes classes confondues!

Les noms les plus fameux entrent dans la liste de ses auditeurs. Les Dames mêmes, entrainées par la mode, avaient l’audace de venir s’y montrer !

– Fontenelle

Le siècle des Lumières

Jean-Antoine Nollet. Leçons de physique expérimentale. Paris, 1775.
Jean-Antoine Nollet. Leçons de physique expérimentale. Paris, 1775.

Si la médecine en général reste dominante pour le 18e siècle dans la bibliothèque du Dr Pariseau, on constate que celui-ci, de par sa formation de radiologiste, s’est particulièrement intéressé à la question de l’électricité et de son application à la physique et à la médecine. Parmi la centaine de titres sur le sujet se trouve tous les grands noms attachés à ce domaine, dont Francis Hawksbee (1660-1713), Stephen Gray (1666-1736), Pieter Van Musschenbroek (1692-1761), Charles François de Cisternay du Fay (1698-1739), Jean-Antoine Nollet (1700-1770), Benjamin Franklin (1706-1790), Joseph Sigaud de Lafond (1730-1810), Joseph Priestley (1732-1804), Luigi Galvani (1737-1798), Jean-Paul Marat (1743-1793) et Alessandro Volta (1745-1827), bien connu pour être l’inventeur de la pile électrique.

Si la médecine continue d’innover, de progresser, de montrer toute son importance et son utilité en ce siècle des Lumières, comme en témoigne éloquemment la place réservée à celle-ci dans la plus grande entreprise éditoriale de l’époque, soit l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert – Anatomie étant par exemple le plus imposant des 74 000 articles de ce dictionnaire – il reste que l’examen de certains titres nous rappelle que certaines préoccupations de cette période sont heureusement d’un temps révolu! On constate d’abord que la peste, mais surtout le scorbut, font encore l’objet de nombreuses publications en ce 18e siècle et qu’il règne toujours dans la population une vieille peur sourde : celle d’être enterré vivant!

Le signes de la mort.

Quelques titres abordent d’ailleurs de front ce sujet dont Dissertation sur l’incertitude des signes de la mort et l’abus des enterrements et embaumements précipités, 1742 et Lettres sur la certitude des signes de la mort où l’on rassure les citoyens de la crainte d’être enterrés vivants, 1752! C’est qu’à cette époque la mort ne fait pas l’objet de vérification ni de notification légale et le médecin est rarement demandé afin de l’attester, particulièrement chez les gens pauvres. On ne se fie donc que sur des évidences subjectives comme l’immobilité, la pâleur et l’absence de respiration, ce qui pouvait, on s’en doute, engendrer des méprises quant à la mort réelle. La 3e édition de Dissertation présente d’ailleurs plus de 250 récits ou historiettes relatant de telles erreurs!

Une fille ayant été conduite à l’Hôtel-Dieu, étant jugée morte de la maladie qui l’y avait fait transporter, donna heureusement des signes de vie alors qu’elle était sur le brancard dont on se servait pour la porter dans la fosse. Elle guérit et fut mariée depuis.

– Dissertation, anecdote, vers 1725

Grâce à ces deux ouvrages, rédigés par des médecins, les signes de la mort se feront plus précis et scientifiques afin de pouvoir bien distinguer entre la mort apparente et la mort réelle. À partir de la fin du 18e siècle, nous assistons désormais – et pour notre plus grande paix d’esprit – à la médicalisation de la mort alors que celle-ci doit désormais être attestée par un médecin pour être ensuite déclarée à l’état civil.

Aliam vitam, alio mores, disait-on alors : autres temps, autres mœurs!

Dans la chronique du mois de juin, nous clôturons l’exploration de la Bibliothèque Léo-Pariseau en examinant la riche partie contemporaine de cette collection avec les XIXe et XXe siècles.

Rédaction : Normand Trudel, bibliothécaire patrimonial
Photos : Julie Martel

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