Hypersensibilité aux sons et bruits fantômes : la technologie à la rescousse

Imaginez ceci. C’est la nuit, vous êtes étendu dans votre lit, tout est calme. Pourtant, vous entendez un son qui s’apparente à un sifflement, un bourdonnement, un grésillement. Ou encore, votre partenaire est en train de faire la vaisselle à côté de vous et le simple fracas des assiettes vous apparaît tout simplement insupportable.

Dans le premier cas, vous souffrez probablement d’acouphène et dans le second d’hyperacousie, deux problèmes courants de l’audition auxquels s’intéresse Sylvie Hébert, professeure titulaire à l’École d’orthophonie et d’audiologie et chercheuse au laboratoire de recherche sur les acouphènes et l’hyperacousie, associé au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS).

La chercheuse et son équipe mènent des recherches fondamentales et cliniques sur ces questions, en plus de développer des instruments permettant de mieux caractériser l’audition et les pathologies auditives. Depuis quelques années, elle fait appel aux progrès technologiques pour creuser ces problématiques.

Un bouchon intelligent pour amoindrir l’acouphène?

Grâce à une récente subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), Sylvie Hébert approfondit ses recherches sous deux volets différents.

Tout d’abord, elle poursuit son projet sur le stress et le bruit comme facteurs déclencheurs ou aggravants de l’acouphène, qui lui a valu une bourse AUDACE du Fonds de recherche du Québec Société et culture (FRQSC). Réalisée en partenariat avec Jérémie Voix de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et Alain Vinet du Département de pharmacologie et physiologie, cette étude utilise des bouchons de protection auditive intelligents pour évaluer les effets du stress et du bruit sur les acouphènes.

« Élaborés par monsieur Voix, les bouchons possèdent un microphone externe et un interne, explique la chercheuse. Celui externe capte les bruits environnants et celui interne, le rythme cardiaque dans l’oreille. Nous sommes actuellement en train de valider les bouchons avec un équipement de calibre clinique. Ainsi, nous posons sur les participants un moniteur cardiaque Holter, puis nous les soumettons à des situations de stress ou de bruits intenses. Dans une étape ultérieure, nous examinerons s’ils augmentent l’acouphène. »

Ultimement, la chercheuse et son étudiante au doctorat Bérangère Villatte souhaiteraient pouvoir utiliser cet instrument dans des situations ambulatoires. « Par exemple, si une personne avec un acouphène était soudainement exposée à du bruit et que le bouchon détectait une pulsation cardiaque augmentée, on pourrait envoyer de façon intelligente un bruit masquant ou de la musique relaxante, et ainsi proposer des solutions immédiates et pertinentes. »

Prédire l’hyperacousie avec son visage?

Plus méconnue que l’acouphène, l’hyperacousie se définit comme une intolérance anormale aux sons communs de l’environnement, malgré une audition normale ou quasi-normale. Sylvie Hébert se questionne à savoir si les expressions faciales pourraient être des indicateurs de prédiction d’un soulagement ou d’une guérison de cette affection. « Nous savons que certains sons provoquent des réactions chez l’humain; on se crispe, fait des mimiques, arbore un visage de dégoût, etc. Nous nous demandons s’il existe des réactions spécifiques en fonction de l’intensité ou de la nature du son. »

Pour cette recherche, la professeure et son étudiante au doctorat Charlotte Bigras comptent faire appel à des caméras et des algorithmes d’intelligence artificielle pour déterminer si certains muscles ou zones du visage sont impliqués dans certaines intensités ou émotions reliées aux sons.

« Peut-être arriverons-nous à lier certains types de réactions à des sons, pour ensuite utiliser ces réactions comme critères de traitement, c’est-à-dire pour prédire si le traitement mènera au soulagement ou même à la guérison de l’hyperacousie. »

Inédite en audiologie, cette approche a déjà été utilisée en psychologie auprès de patients suivis pour une dépression et chez qui il était possible de prévoir si la thérapie fonctionnerait, en fonction des expressions faciales monitorées.

 

Mieux comprendre les acouphènes

Sylvie Hébert est également l’autrice d’un livre paru en mars 2020 sur les acouphènes : Acouphènes : les reconnaître et les oublier. Tout en présentant les facteurs de risque et les problèmes couramment associés à ces multiples troubles de l’audition, cet ouvrage offre des techniques et des solutions pour briser l’isolement et donner de l’espoir à tous ceux qui souffrent, non pas dans le silence, mais dans le bourdonnement constant.

Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux

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