Un colloque sur la santé mentale en Haïti sous le signe de la collaboration

Juste avant l’été 2014 s’est tenu le 3e colloque sur la santé mentale en Haïti organisé à l’Université de Montréal par « Rebâti Santé Mentale », un organisme à but non lucratif, en collaboration avec le Département de psychiatrie de la Faculté de médecine.

Cette conférence sur la Santé mentale en Haïti a permis de dresser un portrait de l’état de la santé mentale en Haïti et des défis qu’il reste à relever. Il a montré l’extraordinaire convergence d’intérêts, d’efforts et de concertation démontrés tant par les autorités haïtiennes que par les organismes de terrain, les partenaires internationaux et locaux ainsi que par les institutions universitaires.

La diaspora haïtienne montréalaise comme celles de Miami et de New York se sont jointes à cette conférence où ont été abordés différents aspects des enjeux de la santé mentale en Haïti, lesquels ont été mis en évidence à la suite du séisme de 2010. L’après-séisme s’est d’ailleurs avéré être une nouvelle opportunité mobilisatrice pour construire quelque chose de viable, de concret et de nouveau en matière de soins et de prévention en santé mentale en Haïti.

Durant le colloque, il y a eu de nombreuses présentations sur l’état des lieux, les besoins de la population cliniques et sociaux avec l’accès aux soins, la disponibilité des services, des thérapies et des médicaments.

Plus 40 exposés ont démontré la richesse des initiatives déjà en place avec la collaboration de l’American Psychiatric Association (APA), de la University of Miami, de centres spécialisés de New York, de Suisse, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de Mental Health Partners, de Grand Défi Canada (Grosame), de l’Université de Montréal et de la diaspora et des Haïtiens eux-mêmes.

Le Département de psychiatrie s’est engagé dans une mission précise en Haïti, celle de l’enseignement. Le but est d’aider à la formation de la relève et de donner le goût aux étudiants en médecine de faire de la psychiatrie. Pour le département, il importe avant tout de ne pas nuire aux initiatives locales et de ne pas importer des façons de faire sans consulter et sans impliquer les autorités locales, afin de s’assurer que les projets soient bien adaptés à la culture et aux mœurs du pays.

Cet enseignement vise la réciprocité et il implique des professeurs du Département de psychiatrie et des résidents qui accompagnent le directeur, le Dr Emmanuel Stip, pendant une semaine, et ce depuis maintenant quatre ans. L’objectif à long terme est d’assurer une collaboration d’enseignement durable avec des intervenants en santé mentale, des étudiants en médecine, des résidents en psychiatrie et avec des psychologues d’Haïti.

Durant ce colloque, les participants ont fait des exposés qui tiennent compte de l’environnement culturel, des croyances et de la place de la religion, notamment le vaudou. Comme le mentionnait Dr Stip à l’émission d’Ici Radio-Canada « Médium large » le 29 mai dernier : « …c’est un environnement culturel de croyances dont il faut tenir compte, nous ne sommes pas là pour juger, y adhérer ni expliquer d’emblée, mais juste essayer de comprendre le contexte et tenir compte de cet environnement dans son ensemble. »

Le modèle de soins en santé mentale en Haïti doit se faire en collaboration avec le réseau communautaire. Cette collaboration, sous forme de formation et d’aide en psychiatrie, doit se faire avec les omnipraticiens, qui sont actuellement étudiants dans quatre universités haïtiennes ainsi qu’à Cuba, avec les équipes multidisciplinaires ouvertes au concept de partenariat patient, avec les familles et avec les tradi-praticiens.

Les psychiatres auront bien sûr un rôle prépondérant, mais bien différent de celui qu’ils ont au Québec: un rôle utile aux équipes, un rôle de consultants, de support aux omnipraticiens, de responsables de soins plus complexes, d’expertise légale, et de psychothérapeute. Il ne faut pas s’attendre à former autant de psychiatres que nous le faisons ici en 4 ans de résidence, car il faudrait plusieurs années pour atteindre les standards d’ici. Il est possible de profiter du modèle de l’enseignement autour des compétences pour bien adapter la formation de ces spécialistes en santé mentale aux besoins de la population haïtienne.

Le partage du français comme langue d’enseignement permet de créer un lien essentiel entre Haïti et la Faculté de médecine de l’UdeM. Déjà, quatre résidents (Julie Poulin, Marie-Eve Blain Juste, Jean Gabriel Daneault, Marie Nolin) y ont enseigné et un groupe de patrons (Drs Emmanuel Stip, Hans Lamarre, Thomas Bergeron, Rosita Punti, Sophie Desautels, Marie Carmen Plante) ont livrés des cours et supervisé cliniquement des travaux en collaboration avec le milieu déjà en place en facultés et dans les sites de soins. L’avenir dépendra probablement des subventions, mais la motivation des professeurs est durable. Offrir un enseignement dont l’objectif principal est simplement de donner le goût à la psychiatrie pour qu’une relève soit possible.

Au retour des deux stages des résidents, deux documentaires vidéo ont été produits sous la direction de Marie-Eve Blain-Juste. Ils sont disponibles sur le site web du Département de psychiatrie.

Rappelons que le pays compte une population de 10 millions d’habitants et il n’y a que deux hôpitaux psychiatriques, l’Institut Mars & Klein, au centre-ville de Port-au-Prince, et l’hôpital Défilée de Beudet, à Croix-des-Bouquets, en banlieue. Il n’y a également qu’à peine 12 psychiatres pour 10 millions d’Haïtiens. Les deux hôpitaux ne contiennent que 250 lits. Par contre, un réseau communautaire déjà fonctionnel et l’implication des différents niveaux de la société sont très présents autour de la santé mentale.

Nous vous invitons à écouter les entrevues de la Radio Canada des Drs Hans Lamarre, coordonnateur local de la conférence et Emmanuel Stip, directeur du département de psychiatrie de l’Université de Montréal.

L’entrevue avec le psychiatre Hans Lamarre

Nous vous invitons également à lire l’article paru dans Psychiatric News le 27 juin dernier.

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