Mindfulness. Pleine conscience. Pleine présence. Présence attentionnée.
Autant de termes qui définissent le fait d’intentionnellement porter attention au moment présent, sans y apporter de jugement critique.
Cette pratique est sur les lèvres de bien des professionnels de la santé, qui la prescrivent pour réduire la souffrance psychologique et physique, promouvoir la résilience et réaliser le potentiel humain à chaque étape de la vie.
Mais à mesure que le mouvement de la pleine conscience prend de l’ampleur et se démocratise, des idées inexactes, voire fausses, se répandent. Deux experts de la Faculté de médecine remettent les pendules à l’heure :
Le docteur Hugues Cormier, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie, psychothérapeute, clinicien-chercheur en médecine préventive, intégrative et attentionnée, et instructeur au Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.
Le docteur Nicholas Chadi, professeur adjoint de clinique au Département de pédiatrie, pédiatre spécialisé en toxicomanie et médecine de l’adolescence, et chercheur au CHU Sainte-Justine.
1. Il faut méditer pour faire de la mindfulness
La pleine conscience peut être vécue de deux façons : formelle et informelle. Le premier type désigne le fait de prendre formellement un temps d’arrêt en position assise, couchée ou debout pour méditer.
Toutefois, la forme informelle signifie simplement de porter son attention sur l’expérience présente, peu importe l’activité. « On peut donc pratiquer la mindfulness sans méditer au sens conventionnel du terme; en se brossant les dents, en marchant, en buvant son café, en faisant son lit, tant que l’attention est dirigée sur l’instant présent, sur les sensations vécues », explique le docteur Cormier.
Ainsi, il n’est pas nécessaire d’être assis les yeux fermés durant de longues minutes pour pratiquer la pleine conscience, il est possible de la vivre çà et là au travers des activités quotidiennes.
2. La mindfulness, c’est se reposer et se détendre
« Certes, la pleine conscience peut être une activité relaxante, mais elle demande tout de même un effort actif, précise le docteur Chadi. Ce n’est pas mettre son ‘’cerveau à off’’, mais plutôt diriger son attention vers quelque chose de précis, comprendre et ressentir ce qui se passe dans le moment présent. En se concentrant sur quelque chose de spécifique, on active son cerveau, plutôt que de le relaxer. »
3. Pour faire de la mindfulness, il faut ne pas avoir de pensées
Il est très répandu de croire que la pleine conscience exige un esprit vide. Pourtant, de la même manière qu’on ne peut empêcher notre cœur de battre ou notre estomac de digérer, on ne peut empêcher notre cerveau de penser.
« La pleine conscience n’est pas une suspension des pensées, c’est plutôt une suspension temporaire du jugement critique sur nos pensées, affirme le docteur Cormier. Elle invite à prendre conscience que nous aurons toujours des pensées qui viendront, mais il faut seulement les accueillir, savoir que c’est normal. Il faut développer une relation avec les pensées; rester sur le quai du train des pensées plutôt que d’embarquer dans ce train. »
4. La mindfulness isole les gens
Par son caractère méditatif et introspectif, on pourrait penser que la pleine conscience invite à l’isolement. Le docteur Cormier en pense autrement :
« Faire de la pleine conscience, c’est regagner notre talent naturel d’être bon, d’être attentionné, d’être plus présent à sa propre vie. Et pour arriver à une humanité plus mindful, plus attentionnée, il faut que ça commence par soi-même. En devenant plus attentif à soi-même, on peut espérer devenir plus attentif à autrui. »
Le docteur Chadi renchérit en rappelant que la pleine conscience n’est pas nécessairement une activité solitaire, elle peut aussi se vivre en groupe où « chacun porte attention à quelque chose qui lui appartient ou qui appartient au groupe ».
5. La mindfulness est une pratique religieuse
La pleine conscience trouve, entre autres, son origine dans une psychologie bouddhiste visant à développer des qualités universelles de présence attentive, de compassion et de sagesse. Cependant, la forme pratiquée aujourd’hui dans un contexte médical est laïque.
C’est Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie moléculaire au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui, en 1979, a ouvert le dialogue entre science et bouddhisme, dans une optique thérapeutique.
Il est d’ailleurs le fondateur du programme éducatif et préventif appelé Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR), un programme de gestion du stress aujourd’hui notamment utilisé au Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM).
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux