Alimentation atypique chez les enfants : outiller les parents pour éviter les carences

Chez l’humain, la principale période de développement du cerveau se situe entre la naissance et l’âge de 7 ans. Un moment critique où l’enfant connaît une croissance rapide, bâtit son système immunitaire et fait les acquisitions essentielles à sa santé pour le restant de sa vie. Les besoins des nourrissons et des tout-petits sont donc très élevés en énergie et en nutriments. Mais comme ils disposent de faibles réserves en raison de leur petit format, une carence peut entraîner rapidement un état de déficience.

Au Québec comme partout ailleurs, les familles sont de plus en plus nombreuses à adopter une alimentation dite atypique, c’est-à-dire non conforme au Guide alimentaire canadien, comme les diètes cétogène, basse en FODMAP, sans caséine et sans gluten, végétarienne et végétalienne, paléo, alouette ! Comment éviter que celles-ci n’entraînent des carences alimentaires chez leurs enfants ?  La nutritionniste Thao Bui identifie les risques nutritionnels d’une telle alimentation et donne des conseils pour éviter les déficiences chez les tout-petits.

Diplômée de la Faculté de médecine (nutrition 2012), Thao Bui  a présenté des pistes de solutions lors d’une séance de formation continue NUTRIUM offerte par le Département de nutrition sur les bénéfices et les risques d’une alimentation atypique chez les enfants de 0 à 3 ans. « En tant que professionnels de la santé, notre rôle n’est pas de juger l’alimentation des gens – cela varie d’une personne à l’autre selon ses préférences, ses besoins, sa culture, son vécu, etc. –, mais de les accompagner en respect de leurs valeurs », a-t-elle précisé.

Ainsi, elle invite les professionnels de la santé et les nutritionnistes à chercher d’abord à comprendre ce qui motive la famille à suivre telle ou telle diète – souci environnemental, perte de poids, choix éthiques – afin d’adapter leurs recommandations en conséquence. « On va lever un drapeau rouge devant une alimentation qui restreint un groupe complet d’aliments (produits laitiers, céréaliers, etc.), se concentre sur un nutriment en particulier (par exemple les gras) ou une méthode de préparation (comme le crudivorisme) », expose celle qui a développé une expertise en pédiatrie dans sa pratique au CHU Ste-Justine.

Voici, en résumé, les bienfaits et les risques que présentent les diètes les plus populaires, et les recommandations de Thao Bui pour prévenir les carences alimentaires.

Diète cétogène

C’est quoi : Une alimentation riche en gras et pauvre en sucres.

Les bienfaits : Diminue les crises chez les enfants atteints d’épilepsie.

Les risques : Peut avoir des impacts – parfois irréversibles – sur la croissance et le développement lorsque non encadrée par une équipe médicale.

Recommandations : Nutritionnellement inadéquate, elle devrait être suivie uniquement sur avis médical.

Diète basse en FODMAP

C’est quoi : Un régime qui limite les glucides fermentescibles, soit tous les types de glucides peu absorbés dans le petit intestin.

Les bienfaits : Aucune étude n’a confirmé que cette diète, suivie par les mères allaitantes, permettrait de soulager les coliques du nourrisson. Chez les enfants de plus de 7 ans atteints du syndrome de l’intestin irritable, certaines données indiquent que la diète basse en FODMAP aurait réduit le nombre et la sévérité des douleurs abdominales.

Les risques : Peut être difficile à maintenir auprès des jeunes enfants ; réintroduire les FODMAP le plus vite possible.

Recommandations : Aucun supplément nécessaire si l’alimentation est équilibrée et si la diète est maintenue pour la durée du test seulement.

Sans caséine et sans gluten

C’est quoi : Un régime qui exclut les produits laitiers et céréaliers.

Les bienfaits : Des études rapportent une amélioration de la sphère comportementale chez les enfants avec un trouble du spectre de l’autisme.

Les risques : Toutefois, en raison du manque de données, cette diète n’est pas recommandée dans le traitement des troubles du spectre de l’autisme.

Recommandations : Utiliser des aliments entiers, s’assurer d’avoir des sources de calcium et intégrer un supplément au besoin.

Régime végétarien et végétalien

C’est quoi : Un régime qui ne contient pas de viande ou qui exclut tout produit d’origine animale (y compris les œufs, les produits laitiers et le miel).

Les bienfaits : Les bébés nés de mère végétalienne présentent une possible diminution du risque de malformations du tube neural, de fissures palatines et de certaines tumeurs pédiatriques.

Les risques : Selon les études disponibles, les enfants végétariens ou végétaliens sont plus petits et plus minces que les enfants omnivores (mais demeurent dans les limites de la normale). Risques de développer une déficience en vitamine B12 et en fer.

Recommandations : S’assurer d’avoir une alimentation variée, appliquer les consignes pour un bon apport en nutriments (fer, iode, calcium, etc.) et ajouter un supplément de vitamine B12 et de vitamine D.

Régime paléo

C’est quoi : Une alimentation à base de protéines, de végétaux et d’oléagineux. Exclut les produits laitiers, les céréales et tous les aliments transformés. Un nourrisson ne peut être soumis à cette diète à moins d’être allaité.

Les bienfaits : Peu d’études disponibles concernant l’alimentation paléo chez les jeunes enfants.

Les risques : Déficience en calcium (laits végétaux non permis), les vitamines B, en fibres.

Recommandations : Inclure au menu les grains céréaliers sans gluten ; varier les sources de matières grasses ; ajouter un supplément de calcium et de vitamine D.

« En somme, la plupart des alimentations atypiques peuvent être adéquates pour un jeune enfant, à condition d’effectuer une évaluation nutritionnelle et une personnalisation du plan de traitement », conclut la nutritionniste Thao Bui.

 

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